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culture maraîchère. Ces économistes ont très bien démontré que, lorsqu’il s’agit de mettre des terres en valeur dans une contrée isolée et peu peuplée, on ne peut intervertir cet ordre et commencer par la culture de la quatrième ou de la cinquième époque sans s’exposer à de cruels mécomptes, ou en tout cas à des sacrifices très longtemps prolongés. Or c’est ce qu’on a fait assez fréquemment dans les Pays-Bas, où l’on a trop négligé la plantation des bois dans les landes. A cet effet, le pin sylvestre offre cependant d’incontestables avantages; il permet d’établir des massifs forestiers à peu de frais. La création, l’entretien, l’exploitation de ces massifs appellent quelques familles d’ouvriers qui forment peu à peu la colonie dont les bras mettront plus tard le sol déboisé en culture. Le chiffre énorme auquel monte l’importation des bois étrangers montre suffisamment qu’il y a là un besoin que la production forestière du pays devrait s’efforcer de satisfaire, car les forêts de la Suède et de la Norvège commencent à s’épuiser; le prix des poutres du Nord s’élève d’année en année, et d’autre part les progrès de l’industrie et de la richesse publique augmentent la consommation du bois dans toute l’Europe. Il est donc temps de songer à l’avenir. Les propriétaires prévoyans qui auront établi des plantations sur leurs domaines seront assurés de laisser à leurs enfans des biens dont la valeur s’accroîtra rapidement, et ils pourront en outre se rendre ce témoignage, qu’ils auront contribué à la prospérité de leur patrie. Quand il s’agit de hautes futaies, le choix de l’essence à propager offre, il est vrai, d’assez grandes difficultés. En Hollande comme ailleurs, on avait cru tout concilier en prenant le mélèze, qui semblait réunir tous les avantages, puisque le bois en est aussi durable que celui du chêne et qu’il pousse quatre fois aussi vite; mais cet arbre, originaire des hauteurs de la Suisse, où on ne le trouve que sur les rochers de formation cristalline et au-dessus de 5,000 pieds d’altitude, semble, comme les montagnards, regretter partout le souffle froid des glaciers et le repos des longs hivers; il ne peut s’habituer au printemps précoce et à l’air épais des plaines. Atteint d’une sorte de nostalgie, après quelques années de croissance rapide, il languit et cesse de grossir[1]. Heureusement la syl-

  1. La section de l’Over-Veluwe de la Société d’agriculture de la Gueldre s’est occupée, dans sa réunion du 26 janvier 1864, de la culture du mélèze, qui a tant d’importance pour cette partie du pays, et il résulte des intéressantes discussions auxquelles cette question a donné lieu que cet arbre n’a réussi que dans quelques endroits qu’on cite à titre d’exception. Le mélèze ne semble prospérer que dans le nord de l’Ecosse, où il trouve un sol et un climat plus analogues à ceux des Alpes. On ne saurait trop s’occuper du choix des essences forestières, car il s’agit pour l’avenir d’un produit du sol dont la valeur se comptera par centaines de millions, si on établit les plantations avec soin.