Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/677

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi de précieux élémens de fertilité s’écouler dans le fossé voisin, dont ils gâtaient les eaux ! On cite dans le pays le mot d’un agronome hollandais à une fermière trop avare de son beurre : « Ne voyez-vous pas, lui disait-il, que votre mari laisse se perdre beaucoup plus de crème qu’il n’en faudrait pour la consommation de toute la famille? » Le conseil de mieux recueillir les engrais liquides a été répété si souvent dans les publications agronomiques et au sein des associations et des congrès agricoles qu’il commence à être écouté et suivi. —-Dans la région haute, l’engrais est beaucoup mieux soigné, et on l’augmente en préparant des composts avec toute sorte de détritus végétaux ; mais dans cette zone si rebelle et si maigre, ce qui est vicieux, c’est l’assolement, qui tend à lui enlever toujours le peu de fertilité qu’on lui communique à grand’peine. Les céréales reviennent trop souvent sur la même terre, les prairies artificielles sont à peu près inconnues, et ainsi l’hiver on n’a pas assez de nourriture pour augmenter le chiffre du bétail, ce qui serait le premier pas à faire, si l’on veut marcher décidément en avant. La culture du trèfle semble tout à fait ignorée; on croit généralement que ce précieux fourrage ne peut prospérer sur les terres légères du diluvium, et néanmoins dans le pays limitrophe, en Belgique, on en obtient des récoltes magnifiques sur des terres exactement pareilles; seulement on y met du purin et des cendres, des cendres de tourbe notamment, qu’on achète en Hollande. Quand les cultivateurs hollandais auront appris à faire usage de cet excellent amendement au lieu de le laisser sortir du pays, ils auront des trèfles tout aussi bien que leurs voisins.

Il est temps aussi que la Néerlande se mette sérieusement à l’œuvre pour rendre productifs les 700,000 hectares de terrains vagues qu’elle possède encore. Le quart du territoire, livré à la vaine pâture et ne donnant que quelques mottes de bruyère tous les dix ou douze ans, c’est une lacune qui ne peut continuer à subsister dans un pays qui a de si admirables ressources et où le sol tend à acquérir une si grande valeur. Seulement, qu’on y fasse attention, il ne faut point prétendre brusquer la marche naturelle des choses. Deux économistes allemands, von Thunen et M. Roscher, et un agronome français, M. Royer, ont montré les premiers qu’à mesure qu’un pays se peuplait, la culture devenait plus intensive c’est-à-dire employait plus de capital sur une même étendue, passant ainsi par une série de périodes très nettement caractérisées. La première époque est celle des forêts, la seconde celle des pâturages; à la troisième apparaît la culture des céréales avec jachère, à la quatrième la culture des céréales avec engrais remplaçant la jachère, à la cinquième les plantes industrielles; enfin arrive la