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tait au paiement de l’impôt foncier, des droits de succession et des frais d’entretien de tout genre, il préférait les rentes sur l’état, ne lui produisant que 3 pour 100, ou des fonds étrangers, qui donnaient un plus fort intérêt. Il n’était habitué à porter en compte ni la dépréciation certaine et continue du numéraire, ni la hausse rapide des fonds de terre. Il s’en est suivi que tous ceux qui, il y a quelques années, ont acheté des biens ruraux touchent aujourd’hui 6 et 7 pour 100 de leur capital; mais déjà il n’en est plus ainsi : l’attention s’est portée de ce côté, et la concurrence des pères de famille économes, en quête d’un bon placement pour leurs épargnes, continuera à faire monter le prix des terres. Remarquons toutefois que cette hausse ne sera féconde en bons résultats que si elle est accompagnée de travaux d’amélioration ayant pour but d’augmenter en même temps la production agricole.

Il est à peine nécessaire de rappeler ici l’influence vraiment merveilleuse que de bonnes routes exercent sur l’agriculture. On sait aujourd’hui à quel point elles favorisent ses progrès en ouvrant de nouveaux débouchés à ses produits; mais comment améliorer les routes dans un pays où les matériaux nécessaires manquent complètement, et où la terre n’est qu’une boue figée, encore noyée pendant une partie de l’armée ? C’est cette boue même qui en a fourni les moyens : cuite dans des fours fermés avec un feu de tourbe, elle donne des briques excellentes et si dures qu’elles résonnent comme du métal, d’où leur vient le nom de klinkers. On a exhaussé les routes au-dessus du niveau des eaux en creusant un canal à côté, et on les a pavées de ces klinkers, ce qui fait des voies admirables. Un gazon fin, uni et très productif, parce qu’il est toujours arrosé d’engrais, encadre ce pavé de briquettes, sur lequel on roule aussi doucement que sur les dalles de Naples et de Florence. On n’est jamais incommodé par la boue ou par la poussière, et le chemin lui-même n’est point perdu pour la nourriture du bétail, car le foin qu’il produit, et qu’on fauche deux fois, est loué à un très haut prix. Impossible, on le voit, de mieux joindre en ce genre l’utile à l’agréable, car il n’est pas de chemins, même dans un parc anglais, qui pour l’état d’entretien valent ces routes de la Néerlande. Les côtés en sont partout plantés d’arbres et souvent aussi d’un taillis qui, scrupuleusement respecté par le passant, est coupé tous les huit ou neuf ans. Dans mes courses à pied jusque dans les provinces du nord, en Frise, en Drenthe ou dans les îles de la Zélande, je ne pouvais me lasser d’admirer ces voies charmantes, fraîches et ombragées, qui forment un si frappant contraste avec les routes tour à tour poudreuses ou boueuses de la plupart des autres pays; mais ces chemins ne servent qu’aux voitures légères, les seules qui, à