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rêt. Le système de projection est aussi différent, car on n’emploie pour les cartes à petite échelle que la projection de Mercator, qui élargit démesurément les contrées éloignées de l’équateur. Il ne s’agit plus de figurer la terre telle qu’elle est; l’objet principal est que la position du navire puisse être marquée chaque jour par sa longitude et sa latitude, et que le pilote voie immédiatement la route qu’il doit suivre. Sur les cartes à grande échelle que l’on dresse pour les côtes fréquentées, pour les îles et les archipels, en un mot pour toutes les portions de l’Océan où des détails spéciaux sont utiles, la forme des rivages est dessinée avec le plus grand soin, les roches isolées sont marquées à leur place précise, la profondeur des eaux est indiquée par de nombreuses cotes de sondage; enfin des vues de la côte en perspective complètent les indications dont le marin a besoin pour reconnaître où il se trouve et pour savoir où il doit se diriger.

Les états qui possèdent des marines puissantes ont senti qu’il ne suffisait pas d’explorer leurs propres rivages, et qu’il fallait encore lever le plan de tous les parages où les navires peuvent être poussés par les vents ou les courans. Ainsi on a fait l’hydrographie de tout le pourtour de la Méditerranée, même des côtes inhospitalières du Maroc, où l’on ne pouvait descendre à terre, ni faire une triangulation, ni mesurer une base. On supplée alors aux mesures directes par divers artifices : on évalue les distances en observant de loin la hauteur du mât d’un navire ou le temps que le son met à franchir l’intervalle entre deux stations. Dans les parages inconnus, l’hydrographe est souvent réduit à esquisser un croquis du terrain devant lequel le navire passe rapidement.

Ce fut après les événemens politiques de 1815 que l’hydrographie, comme la topographie terrestre, reçut une vigoureuse impulsion. Les cartes anciennes de nos côtes étaient fautives : les ingénieurs de la marine débutèrent donc par une reconnaissance minutieuse de toutes les côtes de France, et ce grand travail les occupa pendant près de trente ans. Pour faire apprécier l’exactitude et l’utilité des opérations hydrographiques, il suffira de dire que l’on découvrit pendant cette exploration un grand-nombre de bancs de sable et de roches sous-marines que les pilotes du pays ne connaissaient même pas. Les côtes de nos colonies ont ensuite été relevées avec le même soin. En Angleterre, l’amirauté a aussi consacré plusieurs navires et a dépensé des sommes considérables pour les reconnaissances hydrographiques de ses côtes et des rivages les plus fréquentés du globe. Aux États-Unis d’Amérique, le coast survey, sous l’habile direction du professeur Bâche, a exécuté des travaux importans. Possesseurs de rivages étendus sur le Pacifique