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s’en fera une assez juste idée en comparant une carte ancienne de l’Afrique avec celles plus récentes qui ont été rectifiées d’après les explorateurs modernes. Une critique judicieuse sait faire un choix entre les renseignemens topographiques qui lui sont offerts, et elle élimine ou signale comme douteuses les indications qui ne paraissent pas dignes de foi. C’est en cela, plus que dans la perfection du dessin, que consiste le mérite d’une bonne carte géographique[1].

Il n’a été question jusqu’ici que des cartes terrestres qui montrent la surface des continens; mais les océans ont aussi leur géographie. L’hydrographie, tel est le nom qui a été donné à cette étude, a pour but d’explorer et de représenter sur le papier la surface et les profondeurs de l’Océan, et en particulier les rivages de la mer. De même que la topographie terrestre a pour mission spéciale de faciliter l’exécution des travaux publics à faire sur le terrain solide, de même l’hydrographie est principalement destinée à guider les navigateurs. Elle signale à leur attention les roches sous-marines et les bas-fonds dangereux; elle leur trace la route à suivre pour entrer dans une rivière ou dans un port. Combinée avec la météorologie, elle s’occupe encore des vents et des courans qui contrarient ou facilitent la marche des bâtimens. Cette science fut en honneur dès les premiers temps de la navigation lointaine. Les anciens pilotes consignaient les observations qu’ils avaient recueillies sur des cartes qu’ils nommaient Flambeau de la mer, Routier de l’Océan, parce qu’en effet ces documens semblaient éclairer et jalonner en quelque sorte la course aventureuse des marins. Les études hydrographiques, auxquelles le développement de la marine commerciale a donné plus d’importance, sont devenues l’une des grandes préoccupations des nations maritimes, et ont été confiées à des ingénieurs spéciaux, savans modestes dont les travaux restent presque inconnus en dehors du petit nombre d’hommes qui en profitent directement.

Les cartes marines diffèrent beaucoup par l’aspect des cartes terrestres. Sur celles-ci, les continents occupent la plus grande place; sur les autres, c’est la surface des mers qui domine. Des accidens du sol, montagnes et vallées, il ne reste que ce que le marin peut apercevoir de la haute mer; le reste ne lui est d’aucun inté-

  1. Il ne manque pas en France, en Angleterre, en Allemagne, d’éditeurs instruits, qui soumettent à un contrôle rigoureux les renseignemens inscrits sur les feuilles qu’ils publient, et qui rectifient les anciennes erreurs à mesure que les découvertes nouvelles se produisent. Par malheur, ce travail, dont les résultats sont en quelque sorte latens, ne frappe pas les yeux et peut passer inaperçu. Aussi voyons-nous fréquemment des cartes défectueuses, grossièrement reproduites d’après des documens anciens, obtenir autant de succès que celles dont le dessin a été soumis à une critique scrupuleuse-