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carte de France, de graves discussions s’élevèrent au sujet du système qu’il convenait de suivre pour figurer le relief. Le soin de terminer le débat fut confié à une commission nommée en 1826 par le ministre de la guerre. Il fut décidé que les minutes des cartes, c’est-à-dire le travail fait sur le terrain, seraient toujours dessinées avec des courbes horizontales, mais que sur les cartes gravées, ces courbes disparaîtraient, et que l’intervalle qui les sépare serait rempli par des hachures dont l’espacement et la grosseur seraient gradués suivant l’inclinaison des pentes[1]. Tel est le système de représentation du sol qui a été mis en pratique pour le dessin de la carte de France qu’achève le dépôt de la guerre. Quoique la conception en soit rigoureusement exacte, on est forcé de reconnaître que cette méthode est trop conventionnelle, et contribue à rendre les cartes confuses. Il est permis de croire que, si la question était de nouveau soumise à la discussion, on accorderait la préférence à une méthode différente. L’éclairement du sol par lumière oblique, dont la commission de 1826 n’a pas voulu, a été adopté en pays étrangers, particulièrement en Suisse et dans les états sardes, ce qui donnerait à croire que ce procédé convient très bien aux pays de montagnes[2].

Il n’y a donc pas uniformité dans les méthodes que les géographes des divers pays emploient pour exprimer, par des signes conventionnels, les formes du terrain et les accidens du sol. L’uniformité n’existe pas davantage, on le sait, dans l’orthographe des noms que l’on inscrit sur les cartes. Combien de villes, de rivières, de montagnes, dont le nom varie d’une langue à l’autre? Pour n’en prendre qu’un exemple, le fleuve qui pour nous se nomme le Rhin est appelé par les Allemands Rhein, par les Anglais Rhine, par les Hollandais Rijn, par les Espagnols Rin, et par les Portugais Rhéno. Autant de peuples, autant de mots différens. Encore cette terminologie multiple s’expliquerait-elle lorsqu’il s’agit d’un cours d’eau qui appartient successivement à plusieurs puissances : on comprendrait même que chaque peuple se fît une orthographe à part pour

  1. Pour que des pentes égales dessinées par des mains différentes sur deux feuilles séparées fussent toujours exprimées par des teintes uniformes et des hachures de même force, on adopta l’échelle des teintes proposée par le colonel Bonne.
  2. On peut citer notamment, parmi les travaux exécutés suivant cette méthode, la carte de Suisse dressée par le bureau topographique fédéral sous la direction scientifique du général Dufour. Des effets de lumière en blanc marquent avec une grande netteté le sommet des montagnes, et si l’on combine ce système avec des teintes bistrées étendues sur le creux des vallées, on peut obtenir quelquefois un effet de relief surprenant. En France même, bien des ingénieurs conservent encore, malgré ses défauts, l’ancienne carte de Cassini, parce que le figuré du terrain y ressort d’une façon plus saisissante que sur la carte nouvelle.