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gles sont choisis de telle sorte que les côtés aient de 20 à 50 kilomètres de long. Cependant il semble démontré maintenant qu’on obtient plus d’exactitude en augmentant le nombre des triangles, dont l’étendue est ainsi diminuée. Quelquefois la disposition du terrain exige que les signaux soient bien plus espacés. Lorsque Biot et Arago prolongèrent la méridienne française jusqu’aux Baléares, ils formèrent entre la côte d’Espagne et les îles d’Iviça et de Formentera de grands triangles dont un côté mesurait plus de 160 kilomètres. Dans la triangulation anglaise, les signaux du mont Snowdon (pays de Galles) et du Bérule (île de Man) sont distans de plus de 120 kilomètres. Dans les contrées où l’atmosphère est généralement brumeuse, en Angleterre par exemple, il serait impossible de reconnaître à de telles distances un signal obscur, quand bien même on disposerait des lunettes les plus puissantes. On fait usage alors de l’héliostat, miroir tournant qui réfléchit les rayons du soleil dans la direction du point d’où l’observateur veut être aperçu. C’est au moyen du même instrument que l’on a pu relier les côtes d’Angleterre à celles de France et de Belgique en envoyant des rayons lumineux par-dessus la Manche ; mais la surface de la mer émet en toute saison des brouillards tels qu’il s’offre à peine dans un mois quelques heures d’atmosphère sereine dont l’ingénieur géographe puisse profiter. Confiné dans son observatoire pendant des journées entières, il attend patiemment que les nuages se dissipent, et il épie le moment où la brume donnera passage au rayon lumineux sur lequel il doit viser sa lunette.

Quels sont maintenant les résultats de ces opérations si longues et si délicates? La précision que l’on obtient est-elle en rapport avec les soins minutieux qui ont été pris? Quelques chiffres permettront d’en juger. Sur la chaîne de triangles qui s’étend de Brest à Strasbourg, on a mesuré trois bases : l’une d’elles étant seule nécessaire pour calculer la longueur des côtés de tous les triangles, les deux autres ont servi de vérification. Si, partant de la base de Melun, qui est au milieu du parallèle dont il s’agit, on chemine de sommet en sommet jusqu’à la base d’Ensisheim, en Alsace, on trouve que cette dernière doit avoir 19,044m 13; la mesure directe a donné 19,044m 40 : la différence n’est que la 70,535e partie de la longueur totale. En s’avançant de Melun vers Brest, la base de Plouescat, près du cap Finistère, a été trouvée par le calcul de 10,527m 16, et par la mesure directe de 10,527m 33; la différence n’est que la 61,924e partie de la longueur totale. Toutes les autres chaînes de triangles du réseau géodésique français ont été contrôlées de même par des bases de vérification, et ont donné un accord aussi satisfaisant. On croyait à cette époque qu’une telle approximation était suffisante; mais avec les méthodes et les instrumens perfectionnés qui ont été