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hauteur, au milieu des torrens, des glaciers et des précipices[1] ! Dans les contrées où les montagnes sont peu élevées, où les arbres interceptent les rayons visuels, il est nécessaire d’édifier des échafoudages en charpente de 20 à 30 mètres de haut. Ces échafaudages sont quelquefois composés de deux parties s’emboîtant l’une dans l’autre sans se toucher. La première porte l’instrument, et l’autre les observateurs, qui peuvent circuler tout autour, monter et descendre sans que l’ébranlement produit par la marche se communique au théodolite. D’autres fois on s’établit sur un monument public, au sommet d’une tour d’église. Dans le tableau des coordonnées géographiques que reproduit chaque année l’Annuaire du bureau des longitudes, la position de chaque ville est déterminée par la longitude et la latitude du clocher qui a servi de signal pendant la triangulation. A Paris, quoique l’Observatoire soit le point de départ de toutes les longitudes françaises, c’est au sommet de la lanterne du Panthéon que fut placée la station géodésique. Il importait que la situation de tous ces observatoires temporaires fût soigneusement conservée, car on aura sans doute besoin par la suite de vérifier à nouveau une partie de la triangulation. Dans les villes, l’emplacement des signaux placés sur les édifices sera aisé à reconnaître tant que ces monumens resteront debout. Dans les campagnes, on a marqué le point où les signaux avaient été dressés par une borne en pierre à la surface supérieure de laquelle sont tracées deux lignes dont l’intersection correspond mathématiquement à la pointe du fil-à-plomb descendant de l’instrument. Au-dessous de ce même point, on a enfoui du charbon, substance inaltérable, qui servirait de repère au cas où la borne serait déplacée. En dépit de toutes ces précautions, on a reconnu, dans une occasion récente, où l’on eut besoin de rechercher les sommets des triangles primitifs, que les repères ont souvent disparu. Des clochers ont été déplacés ou démolis sans que les architectes aient pris soin d’en indiquer l’ancien emplacement; les bornes ont été arrachées par les agriculteurs dont elles gênaient les travaux. Le dépôt de la guerre dut prendre, sur les instances de l’Académie des sciences, de nouvelles mesures pour conserver à la surface du sol les traces du réseau géodésique.

Dans la triangulation de premier ordre, les sommets des trian-

  1. Dans l’œuvre collective d’un corps savant, il est difficile de discerner la part individuelle de tous ceux qui ont coopéré aux travaux. Cependant il n’est que juste de citer, parmi tant d’officiers du corps d’état-major qui ont été employés à la carte de France, M. Brousseaud, dont les observations géodésiques sur le parallèle moyen de Cordouan à Belley se distinguent par une originalité et une précision remarquables, M. Bonne, inventeur du système de figuré du terrain qui est encore en usage, MM. Corabœuf, Henry, Peytier, etc., qui ont consacré presque toute leur carrière à la géodésie.