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plète de la France, quoiqu’il y ait eu souvent jusqu’à quatre-vingts officiers employés à ce travail[1].

La partie la plus importante et la plus délicate d’une carte géographique est la triangulation du premier ordre qui a pour but de fixer les positions relatives des points les plus éloignés. Il a été dit plus haut que, pour exécuter ce travail, on part d’une base mesurée à la surface du sol et qu’on s’avance de triangle en triangle, en mesurant seulement les angles, jusqu’à l’extrémité opposée du territoire, où l’on mesure une nouvelle base qui sert de vérification à l’exactitude de toutes les opérations intermédiaires. Cette manière d’opérer repose sur ce principe que l’on peut calculer tous les côtés d’un triangle lorsqu’on en connaît seulement un côté et deux angles. De plus, la somme des angles d’un triangle étant de 180°, il suffirait de mesurer deux angles pour en déduire le troisième; mais dans les réseaux géodésiques de grande étendue on a pris l’habitude de mesurer directement les trois angles de chaque triangle, afin d’avoir une première vérification qui permette d’apprécier la justesse des opérations. La géodésie a donc à mesurer des bases et des angles; quelques détails feront apprécier les difficultés qui se présentent dans la pratique.

L’exactitude de tout l’ensemble dépend de la précision avec laquelle la base a été mesurée, cette base étant la seule longueur déterminée par l’observation directe. Pour la méridienne française, Delambre et Méchain firent usage de quatre règles en platine qui sont encore conservées comme étalons au bureau des longitudes pour servir à la comparaison des règles géodésiques employées dans les travaux plus récens. Ces règles étaient posées bout à pout sur des supports le long de la ligne à mesurer; mais, comme la dilatation du métal en fait varier la longueur, il fallait regarder chaque fois le thermomètre et corriger en conséquence la longueur observée. Depuis, on a employé des règles formées de deux métaux différens, cuivre et fer, qui, se dilatant inégalement, constituent un véritable thermomètre métallique. Les Anglais ont essayé des tubes en verre, qui ont l’avantage de se dilater très peu. En France, l’état-major a dans ces dernières années adopté des règles en bois de sapin imprégnées d’huile bouillante et de vernis; elles ont quatre mètres de longueur

  1. Il serait difficile de se rendre compte des frais de l’opération, car il y est pourvu sur divers chapitres du budget de l’état. A raison de 40,000 ou 50,000 francs par feuille, on peut évaluer que la dépense totale est de 10 ou 12 millions; mais il est certain qu’elle a déjà été largement compensée par les économies réalisées sur les avant-projets des voies de communication. Les ingénieurs chargés de l’étude d’une route, d’un canal, d’un chemin de fer, trouvent sur ces feuilles les renseignemens et les indications qu’il leur faudrait relever sur le terrain pour chaque entreprise particulière.