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entière sur la différence de longueur qu’auraient les méridiens terrestres, et le moyen de connaître la longueur de ces méridiens, c’est, on l’a vu plus haut, de mesurer d’une part la distance en mètres ou en toises qui en sépare les points extrêmes, d’autre part de déterminer la latitude de ces points, ou autrement de déterminer l’angle que font les verticales. Or il n’est pas aussi facile qu’on pourrait le supposer de reconnaître la verticale. Lorsque Newton eut établi les lois de la gravitation universelle, il en conclut comme une conséquence immédiate que le fil-à-plomb devait être dévié par l’attraction des montagnes voisines. Par des observations très précises faites au Pérou, près du Chimborazo, Bouguer et La Condamine s’assurèrent que le fait était vrai ; mais, la déviation observée dans ce cas étant très faible, ils furent portés à croire que ces montagnes volcaniques renferment d’immenses cavités. L’attraction des montagnes fut reconnue postérieurement par beaucoup d’autres astronomes, et, ce qui est plus curieux, on a remarqué récemment que le fil-à-plomb peut même être dévié de la verticale dans un pays plat, comme s’il existait à l’intérieur de la terre des parties lourdes et des parties légères qui attirent plus ou moins énergiquement les corps situés à la surface. M. de Struve, géomètre russe, a signalé récemment une perturbation de ce genre qui vient d’être remarquée aux environs de Moscou, au milieu d’une vaste plaine dont le sol n’est caractérisé que par des ondulations très faibles. On ne peut expliquer ces anomalies que par l’existence dans les régions souterraines de grandes cavités ou de masses très pesantes qui rompent l’homogénéité du globe. Quoi qu’il en soit, les observations astronomiques qui ont pour but de déterminer la longitude et la latitude d’un lieu sont fatalement entachées d’erreurs assez considérables. La déviation du fil-à-plomb a atteint 54 secondes près du Caucase. Toutes les conséquences qui résultaient de la comparaison des arcs de méridien mesurés en divers pays se trouvent infirmées par l’inexactitude des observations premières, si l’observateur n’a pas tenu compte de cette cause de perturbation. Ces discordances locales, où l’on croyait reconnaître l’effet d’une déformation générale du globe, peuvent s’expliquer aussi bien par des variations inattendues dans l’intensité et la direction de la pesanteur.

Cette grande question de la forme du globe terrestre, le problème le plus élevé que comporte la géographie, n’est donc pas encore résolue après plus d’un siècle de travaux assidus. Les astronomes ont pensé plusieurs fois qu’ils avaient enfin obtenu des chiffres définitifs; mais les difficultés naissent à mesure que les méthodes d’observation s’améliorent et que les instrumens, en se perfectionnant, se prêtent à des études plus délicates. Les expériences qui se pour-