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les tentatives nombreuses qui ont été faites en vue de résoudre ce problème, il importe d’exposer le principe même de la méthode que l’on emploie. On choisit deux points de repère suffisamment distans ; on détermine, séparément pour chacun de ces points, la longitude et la latitude au moyen d’observations astronomiques ; on en conclut la distance en degrés, minutes et secondes. Si l’on mesure ensuite la distance réelle à la surface du sol, on sait aussitôt combien un degré contient de fois le mètre, et par suite quelle est la longueur totale de la circonférence terrestre ; mais comme il serait trop long et trop pénible de mesurer en ligne droite à la surface du sol la distance des deux points, que l’on choisit d’habitude à des centaines de kilomètres l’un de l’autre, on se contente de mesurer une base de quelques milliers de mètres, on prend cette base pour origine d’une série de triangles qui s’enchaînent les uns aux autres sur toute l’étendue de la distance à franchir, et l’on n’a plus qu’à mesurer les angles de ces triangles. Telle est la méthode qui fut adoptée dès les premiers travaux géodésiques et qui est encore en usage, sauf des modifications légères dont l’expérience a montré l’utilité.

La première opération géodésique fut entreprise en 1669 par Picard, de l’Académie des sciences de Paris, qui prit pour lieux extrêmes d’observation Sourdon en Picardie et Malvoisine dans le Gâtinais. Le résultat qu’il obtint fut que le degré terrestre avait 57,060 toises de longueur. Ce travail, exécuté avec des soins minutieux, semblait définitif, lorsqu’on vint à douter que la terre fût rigoureusement sphérique. Une horloge qui avait été réglée à Paris sur le mouvement moyen du soleil ayant été transportée à Cayenne par l’astronome Richer, ce savant reconnut qu’elle retardait de deux minutes et demie par jour. Il découvrit aussi que le pendule, pour battre juste la seconde, devait être plus court à Cayenne qu’à Paris. Il en résultait que la force de la pesanteur devait être plus intense en France qu’à l’équateur, et par conséquent que la terre était aplatie vers le pôle. L’hypothèse de l’aplatissement des pôles paraissait d’ailleurs rationnelle aux géomètres, comme conséquence naturelle de la rotation de notre planète, masse semi-fluide, autour de son axe. Huyghens émit le premier cette idée, et Newton la confirma bientôt par des raisonnemens appuyés sur des observations purement astronomiques.

Ceci compliquait singulièrement les recherches relatives à la mesure de la circonférence terrestre et infirmait les calculs établis par Picard. Du moment qu’il fallait considérer la terre comme un sphéroïde et non comme une sphère, tous les degrés n’étaient plus de la même longueur ; ils s’allongeaient d’autant plus que l’on se rapprochait du pôle. Il ne suffisait donc plus d’en mesurer un à la sur-