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proposa et qui ne fut pas écouté, nul signe d’opposition n’apparut, et la nouvelle charte, en 57 articles, fut adoptée au milieu des applaudissemens, puis signée du maréchal de la diète, président de l’ordre de la noblesse, ainsi que des orateurs des trois ordres inférieurs. Cela fait, Gustave III se leva et dit : « Puisqu’il a plu à la divine Providence de renouer les liens qui unissaient anciennement le roi et son peuple, il est de notre devoir à tous de lui rendre ici de justes actions de grâces. » Otant alors de sa tête la couronne, il tira son livre de prières, et ordonna à l’évêque placé à ses côtés d’entonner le Te Deum, que toute l’assemblée continua avec lui; la séance se termina par un baise-main royal. Le consentement de la diète une fois obtenu, celui des provinces ne se fit pas attendre, et la révolution se trouva tout entière accomplie sans une seule goutte de sang versée. Gustave ne manqua pas d’écrire dès le 21 une lettre à Louis XV pour lui annoncer sa victoire :


« Monsieur mon frère et cousin, je serais bien ingrat, si, dans ces premiers momens de la révolution la plus heureuse pour moi et mon état, je ne témoignais à votre majesté ma sensible et vraie reconnaissance pour la part qu’elle a bien voulu y prendre. Le temps ne me permet pas de rien ajouter davantage; je me rapporte entièrement à ce que l’ambassadeur de votre majesté lui marquera sur le détail d’un événement dont je me flatte que les suites convaincront votre majesté bien pleinement des sentimens avec lesquels je suis, etc. »


Gustave III, au moment décisif, ne s’était donc pas manqué à lui-même; M. de Vergennes avait été tout surpris d’un si rapide succès, et les récits anecdotiques nous le représentent, dans la journée du 19 août 1772, debout sur une échelle appliquée au mur du parc d’artillerie, suivant d’un regard inquiet les mouvemens de Gustave et des troupes, et se rassurant aux exclamations enthousiastes qui allaient décider le succès. Il restait néanmoins à soutenir l’acte vigoureux du jeune roi, à défendre la révolution contre les rancunes étrangères. La vieille alliance du cabinet de Versailles, qui avait encouragé et soutenu Gustave dans la préparation de son œuvre, ne lui fit pas défaut non plus quand il fallut, par un nouvel effort, consolider l’entreprise commune.


III.

Gustave III avait tout à craindre du ressentiment des cours dont il venait de déjouer les secrètes espérances, et leurs réponses aux messages officiels qui leur avaient porté la nouvelle du coup d’état ne laissaient pas que d’être fort peu rassurantes. Catherine II accusa simplement réception, sans ajouter un seul mot de compliment