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à la diète un plan de constitution très modéré, qui, réservant la liberté civile et tous les droits des différens ordres, ne leur ôtera que le pouvoir de faire le mal et de trahir l’intérêt public. On s’attend que la frayeur leur fera tout accepter; la chose faite, on les renverra chez eux, en reculant de quatre années l’ouverture d’une nouvelle diète. Si les révoltés de Sveaborg étaient empêchés ou détournés par les vicissitudes de la mer, le roi de Suède ferait mine de marcher contre eux à la tête de son régiment des gardes, sous prétexte d’empêcher leur débarquement; il réunirait à son régiment de la garde plusieurs corps armés, postés à quelque distance de Stockholm et gagnés d’avance, puis il reviendrait en force avec eux sur la capitale et mettrait la dernière main à son entreprise. »


Une autre insurrection devait coïncider avec celle de Sveaborg. Un jeune capitaine nommé Hellichius, commandant la garnison de Christianstadt, forteresse importante de Scanie[1], s’engageait à soulever ses soldats au nom du roi, et promettait d’entraîner toutes les campagnes voisines, qui attribuaient au mauvais gouvernement des états leur misère et la cherté des grains. Les deux frères du roi, Charles et Frédéric, se trouveraient dans les provinces : le prince Frédéric en Ostrogothie pour prendre les eaux de Medevi, le prince Charles en Scanie pour attendre le retour de la reine sa mère, en visite à Berlin. L’un et l’autre s’appliqueraient à préparer les esprits. Le prince Charles, dès qu’il apprendrait le mouvement de Christianstadt, en prendrait immédiatement prétexte pour réunir sous ses ordres les régimens les plus voisins et ceux que le prince Frédéric pourrait lui amener, ce que la constitution ne lui eût permis en aucun autre cas; il tiendrait secret son but réel et ne parlerait que de marcher en toute hâte contre les révoltés jusqu’à ce que Gustave III lui-même eût réussi dans la capitale. En même temps on ferait circuler dans les provinces des bruits de complot contre le roi. De la sorte, si la tentative de Stockholm venait à échouer, les mesures que les états prendraient infailliblement contre la personne même du roi paraîtraient une confirmation de leurs desseins supposés, et on pourrait encore espérer, par un autre coup de main, délivrer Gustave et réparer son échec. Le prince Charles, en quittant Stockholm, emporta la moitié d’un petit écu de France, dont l’autre moitié resta entre les mains de Gustave III, qui devait la joindre à tout message non suspect qu’il voudrait adresser à son frère. C’était une précaution utile, en cas d’échec, contre l’exécution possible d’ordres imposés par les états[2].

Ce plan fort habile paraît, à la vérité, avoir eu pour premier auteur, non pas Gustave III lui-même, mais un énergique ennemi des

  1. La province de Scanie est située à l’extrémité sud-ouest de la péninsule suédoise.
  2. Cet écu brisé a été conservé depuis au cabinet des médailles, au château de Drottninghelm.