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« Stockholm, 24 octobre 1771. — Monsieur mon frère et cousin, j’avoue sincèrement à votre majesté que j’avais besoin d’une consolation comme celle que j’ai trouvée dans la lettre que son ambassadeur m’a remise de sa part. J’ajouterai encore à cet aveu que si j’ai pu montrer quelque courage dans les conjonctures difficiles où je me trouve, ce n’est que parce que j’ai été persuadé qu’avec une bonne cause et un allié tel que votre majesté, on doit triompher enfin de tous les obstacles. Si j’y réussis, ce sera un grand avantage pour mes affaires, mais ce sera une plus douce satisfaction encore pour mon cœur de sentir toutes les obligations que j’aurai à votre majesté. Quant à la situation politique dans ce moment, je m’en rapporte aux relations de l’ambassadeur de votre majesté, dont je ne puis assez louer la sagesse et la bonne conduite. Rien ne peut être ajouté à l’étendue des sentimens avec lesquels je serai toute ma vie, etc. »


On le voit, deux mois après, implorer de Louis XV le paiement par avance du premier quartier des subsides, car c’était toujours l’argent qui manquait pour agir sur la diète et contre-balancer les largesses des ministres étrangers.


«Stockholm, 19 décembre 1771. — Monsieur mon frère et cousin, je prie votre majesté de se faire rapporter par le duc d’Aiguillon le mémoire que je lui fais adresser aujourd’hui pour être mis sous les yeux de votre majesté. Elle verra que j’ai besoin dans ce moment de toute son autorité et de toute l’assistance que votre majesté m’a fait espérer dès les premiers instans de mon règne avec une tendresse paternelle dont mon cœur restera pénétré tant que je vivrai. La nature de l’affaire dont il s’agit ne me permet pas d’en dire davantage ici; seulement je puis assurer votre majesté qu’elle n’en aura plus jamais de pareille à agiter pour moi ni par rapport à moi. J’ai pris la ferme résolution de ne plus consentir qu’on emploie, pour avancer mes intérêts, des moyens qui ne servent qu’à perpétuer le mal au lieu de le déraciner. J’attends tout de votre majesté elle-même, de sa sagesse à prévoir toutes les suites dont je suis menacé, et de l’intérêt qu’elle prend à ma sûreté personnelle, qui pourrait être compromise. Plein de cette confiance, je ne porte mes regards que sur un avenir plus heureux et qui me donnera sans doute les moyens de convaincre votre majesté des sentimens avec lesquels, etc. »


Cependant une dépêche écrite par le comte de Creutz, ministre de Suède en France, au commencement de janvier 1771, montre qu’on ne voulait pas à Paris avancer inutilement les fonds, et qu’on réclamait toujours avec impatience la révolution tant de fois promise. Creutz, qui était tout zèle, tout ardeur, tout enthousiasme pour son roi, s’ingéniait à inventer les moyens de surmonter les obstacles.


« C’est le désespoir, dit-il, qui me fait expédier ce courrier. M. d’Aiguillon m’a assuré qu’il était impossible d’accorder ce que demandait votre majesté, que l’argent manquait absolument, que tout ce qu’on dépensait en Suède ne servait qu’à perpétuer la corruption, à détruire l’esprit national.