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NAPLES
ET LE BRIGANDAGE
DE 1860 A 1864


I.

L’ancien Môle de Naples, avant La chute du gouvernement des Bourbons, était le rendez-vous des lazzaroni, qui s’y assemblaient après la pêche et le repas quotidien pour se reposer, faire leurs dévotions, se distraire, attroupés autour du prêtre ambulant ou de Polichinelle, quand ils ne dormaient pas au soleil dans leurs grands paniers d’osier; mais si l’improvisateur, le chante-histoires arrivait, brandissant sa béquille en signe de commandement. Polichinelle et le prêtre perdaient aussitôt leur auditoire. Les enfans quittaient leurs jeux, le pêcheur était debout, son panier sur l’épaule; la fille du bord de l’eau, la marinarelle, accourait avec sa chaise et sa quenouille, et cette foule bruyante, apaisée par enchantement, se pressait autour du conteur merveilleux, suspendue tout entière à ses paroles, tandis que derrière elle, à travers la forêt de mâts sortant du port, bleuissait la double tête immobile et comme attentive du Vésuve, qui fumait toujours. Que racontait donc le chante-histoires? Souvent les poèmes de l’Arioste, mais plus souvent encore des aventures de brigands, les hauts faits des Titta Grieco, des Spicciarelli, des Angelo del Duca, des Bartolomeo Romano, des Pietro Mancini, tous malandrins illustres. L’assistance écoutait des oreilles et des yeux, avec une sorte d’angoisse, et poussait des cris d’admiration à chaque nouveau meurtre commis par un des héros que j’ai nommés. Le peuple de Naples a cela de commun avec