Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/505

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouvement général, l’association belge dut continuer seule l’œuvre qu’elle avait entreprise.

Elle avait d’ailleurs affaire à forte partie, car les protectionnistes s’étaient groupés à leur tour pour repousser ses attaques. Les argumens dont ils se servaient, nous les entendons encore chaque jour dans la bouche de nos propres fabricans ; ils forment une espèce de catéchisme dont les réponses stéréotypées s’appliquent à tous les temps et à tous les pays. C’est à vaincre l’opiniâtreté de cette résistance que l’association s’attacha tout d’abord. Sans négliger de traiter la question douanière au point de vue du consommateur, qui est le plus important, elle chercha à prouver aux fabricans que le système protecteur, tout en pesant lourdement sur le pays, leur était en réalité très préjudiciable à eux-mêmes. S’adressant tour à tour aux fabricans de drap de Verviers, aux filateurs de Gand, aux maîtres de forges du Hainaut, aux agriculteurs des Flandres, elle leur prouva que l’incidence des taxes les unes sur les autres surélève, dans toutes les industries, les frais de production, et qu’aucune d’elles ne reçoit jamais par la protection l’équivalent des sacrifices qu’elle fait pour être protégée. Les droits sur les houilles font hausser le prix du fer ; les droits sur le fer retombent sur les produits agricoles et manufacturés, qu’il faut par suite protéger à leur tour, et tous ensemble pèsent de tout leur poids sur l’ouvrier, qui voit les prix hausser autour de lui sans que son salaire suive la même progression. Il résulte de cette hausse générale que, si la protection a bien pour effet de réserver à la fabrication indigène le marché intérieur, elle grève en revanche les produits destinés à l’extérieur de frais énormes qui les mettent souvent dans l’impossibilité de soutenir la concurrence étrangère. C’est là un des résultats les plus fâcheux pour la prospérité industrielle d’un pays comme la Belgique, qui, n’offrant qu’un marché restreint, doit chercher ses principaux débouchés au dehors. Les négocians, plus particulièrement intéressés au développement des transactions, avaient été les premiers auxiliaires de l’association ; mais en présence d’argumens aussi péremptoires un certain nombre de fabricans ne tardèrent pas à se ranger parmi ses adhérens, et devinrent eux-mêmes d’ardens promoteurs de la réforme.

Les années 1857 et 1858 furent, consacrées par les membres de l’association à se transporter dans les différens centres industriels pour y traiter la question du libre échange au point de Yue des intérêts spéciaux de chacun d’eux. Les questions des fers, des houilles, des draps, des tissus de coton, furent successivement abordées dans des meetings tenus à Bruxelles, Charleroi, Mons, Verviers, Namur, Anvers, Liège, Tournai, Gand, etc. Dans cette dernière ville, centre de l’industrie cotonnière et foyer principal de la protection, la séance fut des plus orageuses ; interrompus par des cris et des sifflets, les orateurs purent à peine se faire entendre, et l’on fut sur le point de se porter sur eux à des voies de fait.