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jeunesse des duchés va étudier dans les universités allemandes. Copenhague est la métropole du commerce danois ; Hambourg est le marché commercial des duchés. Quand même, en replaçant ces populations sous le sceptre du roi de Danemark, on ferait un nouveau replâtrage, on n’aurait réussi qu’à créer dans cette partie de l’Europe une situation précaire où les troubles renaîtraient sans cesse. Ce qui rend les partisans de la politique des états secondaires et de la diète plus vifs dans leurs protestations et leurs doléances, c’est la défiance que leur inspirent M. de Bismark et l’ambition prussienne.

Si M. de Bismark a jamais eu le désir passionné de faire retentir son nom dans le monde et d’occuper l’Europe de lui, ses vœux aujourd’hui doivent être comblés, et il peut goûter dès à présent le plaisir du succès. Il n’y a pas en ; ce moment sur la scène politique de personnage plus original et qui pique plus vivement la curiosité. Il serait Alcibiade, il aurait coupé la queue de son chien, qu’on ne parlerait pas de lui davantage. On le tient pour un homme d’initiative, d’aventures, nourrissant de mystérieux projets. On connaît ses liaisons avec la Russie. On vient de le voir entraînant par un mouvement rapide de conversion M. de Rechberg, son ancien adversaire de Francfort. La réaction, la politique féodale, le génie des vieilles ligues absolutistes se figurent avoir trouvé en lui leur Cavour. C’est surtout dans l’Allemagne des états secondaires que M. de Bismark est redouté et surveillé. On y croit que le ministre prussien convoite le Holstein, que s’il a l’air de vouloir le laisser encore au roi de Danemark, ce n’est que pour le réserver à la Prusse et se ménager l’avenir. Pour couper court à ces aspirations prussiennes, on soutient la candidature du duc d’Augustenbourg, et la Saxe réclame la convocation immédiate des états du Holstein. Les Danois ne tenant point au Holstein, les petites cours pensent qu’on pourrait régler la question de succession sans trop irriter le Danemark, en donnant satisfaction au sentiment allemand et en frustrant l’ambition prussienne. Pourra-t-on faire valoir et faire réussir une combinaison semblable dans la conférence ? Cela ne nous paraît guère probable ; mais pour- la diète et les petits états, l’effort vaut peut-être la peine d’être tenté. C’est un motif pour la diète d’accepter la place qu’on se propose de lui offrir dans la conférence. Les états secondaires de la confédération n’ont point été heureux jusqu’à ce jour dans leur campagne anti-danoise. Ce sera un dédommagement pour leur amour-propre de voir un de leurs représentans s’asseoir dans la conférence à côté des ambassadeurs des grandes cours et participer enfin en leur nom à la délibération d’une affaire européenne.

Le nouveau tour diplomatique que prend l’affaire, du Danemark a coïncidé avec des voyages de princes qui devraient être regardés comme des événemens très heureux, s’ils pouvaient en effet contribuer à l’arrangement pacifique des difficultés pendantes. Le roi des Belges est en Angleterre ; le frère du roi de Danemark va aussi à Londres, le duc de Saxe-Cobourg-