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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1864.

Nous nous efforcions, avant l’ouverture de la session, de discerner les grands courans qui allaient gouverner avec une puissance supérieure la marche des esprits et des choses en France, et nous montrions, nos lecteurs ne l’ont peut-être point oublié, la coïncidence qui, dans la période où nous entrions, unirait le mouvement des affaires étrangères au réveil de la vie politique intérieure. Notre opinion était que dans cette phase il ne serait plus possible de séparer la politique du dedans de celle du dehors, de faire par préférence de l’une en rejetant arbitrairement l’autre dans l’ombre, qu’il n’y avait plus là une simple question de choix, que les progrès de la vie publique intérieure s’accompliraient parallèlement aux agitations des questions européennes, que les chocs qui éclateraient dans l’une de ces régions retentiraient sur-le-champ dans l’autre. Ce qui se passe depuis quatre mois n’est point de nature à modifier cette façon de voir. De très grandes difficultés ont continué à subsister ou ont éclaté dans la politique générale de l’Europe ; la gravité et l’incertitude des questions étrangères, au lieu d’absorber les esprits et de les détourner de tout le reste, leur ont communiqué un ébranlement, une émotion dont les signes sont de plus en plus visibles dans les manifestations de notre vie intérieure. Oui, l’Europe est en travail, elle est atteinte d’un profond malaise, elle traverse une série de complications dont nul ne voit le terme : l’intelligence, les intérêts, le patriotisme, s’inquiètent des difficultés et des obscurités de la politique étrangère ; mais on dirait que maintenant les problèmes et les soucis de la politique étrangère éveillent, stimulent, aiguisent parmi nous le sentiment de la vie intérieure. Le spectacle de cette renaissance nationale commence à devenir très curieux et très intéressant.

Nous serions fort embarrassés, si nous étions mis en demeure de tracer une description précise de la situation morale et politique toute nouvelle qui se trahit chez nous par mille symptômes. La France est le pays des longs sommeils et des réveils subits. Le premier trait de la situation présente,