Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de fer tenu en dissolution dans l’eau dont ils sont pénétrés. Ces pierres, qu’on voit se former en quelque sorte à vue d’œil, ont été jugées assez solides pour être employées à bâtir des maisons.

La ville de Saint-Ives se présente admirablement au fond d’une baie où elle s’arrondit en croissant, dominée tout à l’entour par des collines de sable bordées de falaises. On l’a comparée à un village grec. Ce qui est certain, c’est que le ciel bleu, la mer verte, les côtés aux pentes blanchâtres, les rochers noirs aux lignes vigoureuses composent avec la ville, assise dans un creux, un tableau ravissant. Sur les quais se dresse le vieux bâtiment d’une mine abandonnée ; plus loin, l’église, protégée du côté de la mer par un mur solide et entourée d’un cimetière, présente bravement aux vagues ses anciens vitraux, plus d’une fois battus par la tempête. Saint-Ives ne gagne point malheureusement à être vu de près : autant sa position est belle, autant ses rues étroites et tortueuses à l’intérieur semblent faites pour attrister le regard et dissiper les illusions. C’est bien une ville de pêcheurs : presque toutes les maisons ont un escalier de pierre extérieur, conduisant au premier étage, où loge la famille, tandis que le rez-de-chaussée est occupé par le cellier à poisson. Ce dernier répand dans la partie habitée du logis des exhalaisons qui sont loin d’être agréables, surtout durant la saison du pilchard ; mais le pêcheur trouve à ces fruits de la mer un parfum ; qui en vaut bien un autre, la bonne odeur du gain et de la propriété. Les bâtimens destinés à recevoir et à préparer le pilchard atteignent à Saint-Ives des proportions considérables. Je pus m’en convaincre lorsque je visitai les celliers et les magasins de M. Bolitho. Ces celliers, recouverts d’une galerie, soutenue par des colonnes de fer, s’ouvrent sur une cour carrée, et ressemblent à un cloître pour la f grandeur aussi bien que pour la solidité, de l’architecture. Là vous trouvez des montagnes de sel apporté d’Espagne, deux fosses (pits) du fond desquelles on tire, dans les bonnes années, jusqu’à quinze cents barils d’huile ; puis, quand la saison est avancée, s’élèvent contre les murs des pyramides de poissons. Les magasins où l’on serre les filets et les autres appareils sont également tenus avec un soin scrupuleux et s’étendent sur une vaste échelle. C’est à la puissance du capital employé dans le matériel de pêche que les Anglais doivent en grande partie leur succès ; c’est surtout par là qu’ils attirent à eux les richesses de la mer. Dans le port se dressent les mâts de soixante lougres (luggers), gros bâtimens qui chaque année du mois de mars, au mois de juin, donnent la chasse au maquereau. Ils vont ensuite chercher le hareng en Irlande, et reviennent à Saint-Ives en automne pour pêcher le pilchard. Il y a en outre deux cent quarante-neuf bateaux qui, à cause du filet dont ils se servent, ont reçu le nom de