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de l’hydrogène sulfuré, s’unissant au plomb de l’acétate, forme un sulfure de plomb noir, opaque[1]. Dans ce cas, on doit diriger le gaz vers un dernier filtre épurateur contenant de l’oxyde neuf ou revivifié. Après toutes ces épurations, le gaz, retenant encore des hydrocarbures à odeur forte, est envoyé aux gazomètres, qui continuellement l’emmagasinent pour le répartir jour et nuit dans les tubes de distribution et les becs des ateliers, laboratoires, théâtres, voies publiques et habitations, où il sert, soit au chauffage soit à l’éclairage. Avant d’indiquer divers perfectionnemens dans la construction des gazomètres, des appareils régulateurs, des compteurs de gaz et des becs usuels, il est une particularité de l’épuration économique du gaz sur laquelle on nous permettra d’entrer dans quelques détails, car elle a un haut intérêt pour les populations agglomérées dans le voisinage des usines. Avec le développement qu’a pris la production du gaz, il y a là une question de salubrité publique d’une véritable gravité.

On vient de voir comment le gaz s’épure en traversant le peroxyde de fer hydraté, mais on comprend sans peine que celui-ci perd graduellement sa propriété désinfectante à mesure qu’il cède de l’oxygène et se réduit à l’état de protoxyde de fer, composé inerte à l’égard de l’hydrogène sulfuré. On parvient dans les usines à lui rendre sensiblement son énergie première en l’exposant pendant quelques heures à l’air atmosphérique, sur les dalles d’un vaste hangar, en couches peu épaisses et dont on renouvelle de temps à autre les surfaces. Dans ces conditions, l’oxygène de l’air, assez promptement absorbé, transforme le protoxyde de fer humide en peroxyde hydraté, prêt à servir de nouveau à l’épuration du gaz, Cette sorte de revivification naturelle est évidemment fort avantageuse pour l’industrie du gaz, mais elle a de graves inconvéniens pour le voisinage : cette matière poreuse, au moment où elle est extraite des caisses d’épuration, se trouve sursaturée d’hydrogène sulfuré et surtout d’huiles empyreumatiques très volatiles, à odeur forte très désagréable ; les courans d’air utiles à la revivification ou pour mieux dire à la réoxydation, emportant la plus grande partie de ces produits infects, volatils ou gazeux, répandent aux alentours, dans la direction des vents, une odeur nauséabonde qui s’ajoute aux émanations des vapeurs pyrogénées sortant des cornues à chaque enfournement successif.

Ces inconvéniens, dès longtemps signalés à la sollicitude de l’autorité administrative, ont fait décider en 1855 la translation hors de

  1. Tel est aussi l’effet qui se produit lorsque des fuites de gaz mal épuré brunissent dans les appartemens les peintures a la céruse (carbonate de plomb) ou donnent à l’argenterie une teinte irisée, brune ou noirâtre, en formant alors un sulfure d’argent, noir comme le sulfure de plomb.