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avait tolérées en vue d’un combat maintenant impossible ; il était libre désormais de s’en souvenir et d’en demander réparation. Bien mieux, dans cette nouvelle combinaison, il entrevoyait pour Austin la nécessité absolue de quitter momentanément l’Angleterre, et une fois sur le continent, ne trouverait-on pas moyen de lui détacher quelque bonne laine ?… En vertu de cette vague hypothèse, le capitaine prit son parti sur-le-champ : — Lord Edward, dit-il…

— Je vous attends, répondit le jeune homme.

— Pesez bien l’engagement que je prends vis-à-vis de vous ! Quelles que puissent être les provocations d’Austin Elliot, je ne me battrai pas avec lui, à moins qu’il ne passe en pays étranger. Ceci peut-il vous suffire ?

— Je n’en demande pas davantage, et je m’estime heureux de n’avoir pas vainement compté sur vous… Acceptez cette main que je vous tends…

— Jamais, interrompit le capitaine ; vous m’avez lâchement insulté, sachant que mon ressentiment ne pourrait vous atteindre… Vous être trop habile pour moi, lord Edward ; je n’aurai plus rien à démêler avec vous…


XII

Austin, depuis deux ou trois jours, se sentait irrité contre lui-même. Il attribuait ce vague malaise intérieur aux retards que subissait en ce moment l’adoption du bill des céréales ; mais au fond le capitaine Hertford en était cause… Suivant les règles strictes du point d’honneur, le prétendu d’Eleanor se sentait en faute. Le bruit de menaces proférées contre lui était arrivé jusqu’à ses oreilles, et il n’en avait point tenu compte. La chose venant à s’ébruiter, que penserait-on de pareille négligence ? D’un autre côté, ses deux amis avaient reçu de lui une promesse formelle de garder la paix jusqu’à des provocations plus directes. Tout ceci l’agitait, le tourmentait au dernier point. Sur ces entrefaites, un matin qu’il était dans sa chambre avec lord Charles, tous deux virent entrer un de leurs anciens camarades d’Eton, un de ces officieux à contre-temps qui, fort peu attentifs à ce qui les regarde, ne semblent avoir de goût que pour les affaires d’autrui. Sans trop se rendre compte du résultat possible de sa démarche et persuadé, d’après quelques mots échappés à lord Edward, que le capitaine Hertford reculerait toujours devant un duel avec Austin, il venait prévenir ce dernier de quelques propos indiscrets tenus au club universitaire (United-University-Club), et où, son nom se trouvait compromis en même temps que celui de miss Hilton. Austin écouta ses commérages et ses conseils avec le plus beau sang-froid, mais quand il eut tourné les talons : — Vous