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gouvernement pactisait à toute heure avec le brigandage et la rébellion ; à la fois obstiné et faible, il n’accordait rien aux demandes légales et cédait tout à la révolte. Lorsqu’un chef de parti voulait être appelé dans le cabinet, il soudoyait des bandes ; lorsqu’un officier désirait de l’avancement, il insurgeait ses soldats. On le voit, si le gouvernement de la Grèce était absolu sous une apparence constitutionnelle, les rênes en étaient tenues par une main sans force qui voulait tout faire et ne faisait rien, qui tentait de diriger et n’y réussissait pas. Les vices de la royauté bavaroise n’étaient autres, il est vrai, que ceux de la classe politique de la Grèce, et une large part de responsabilité retombe ainsi sur les hommes d’état indigènes ; mais c’est justement en prenant l’empreinte des défauts de son peuple que cette royauté a complètement manqué à la mission qui lui avait été confiée. Dans un pays naissant, une royauté d’origine européenne avait à remplir le rôle d’initiatrice et de guide de la nation ; elle devait conduire le peuple grec et le former, non se mettre à sa remorque en se modelant sur ses vices. Si elle eût, en suivant cette voie, rencontré des difficultés sérieuses et de graves résistances, la masse du pays, qui veut l’ordre et le progrès dans la civilisation, l’aurait soutenue et lui aurait permis de triompher des obstacles : dans une durée de trente ans, elle eût pu faire beaucoup pour moraliser les classes supérieures et pour diminuer les défauts des hommes politiques en leur donnant de meilleures habitudes ; au contraire, elle n’a fait que développer les vices de ces hommes, en leur laissant le champ libre et en leur permettant de continuer toutes les mauvaises traditions du régime turc.

Ce n’est point du reste les hommes qui se sont emparés du pouvoir après la révolution d’octobre 1862, et sur lesquels pèse la formidable responsabilité de tous les excès des dix-huit derniers mois, qui ont le droit de jeter la pierre au roi Othon et à son gouvernement. À part quelques jeunes écervelés à peine échappés du collège et imbus d’idées révolutionnaires incompatibles avec l’existence de tout gouvernement régulier, ils avaient été jadis les principaux organes du système contre lequel ils déclamaient avec tant d’ardeur, et leur opposition venait seulement de ce que le roi les avait laissés de côté pour prendre d’autres instrumens. Maîtres de l’autorité, ils en ont honteusement abusé ; ils ont écrasé la Grèce sous une dictature tyrannique, sans justifier leur despotisme par une administration régulière et par le maintien de l’ordre ; ils ont faussé les élections avec impudence et repris à leur profit toutes les mauvaises traditions du pouvoir déchu, en les poussant à un degré d’audace inconnu jusque-là. D’ailleurs ces hommes, qui s’intitulent pompeusement les libérateurs du pays et veulent exclure tous les autres des affaires, s’attribuent bien à tort un événement qui n’a été