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de la royauté à gouverner seule, sans contrôle, avec les traditions de ses débuts, décida des hommes d’un esprit aussi pratique, d’une intelligence aussi clairvoyante et d’un caractère aussi désintéressé que Londos, Mavrocordatos et Metaxa, à lui imposer une charte malgré les difficultés que devait rencontrer la marche régulière du régime constitutionnel dans un pays en voie de formation. Guidé par leur main ferme et prudente, le peuple d’Athènes se leva dans la nuit du 3 septembre 1843, et vint au palais réclamer du souverain une constitution. Après quelques hésitations, Othon Ier céda, et le peuple grec, une fois ses légitimes demandes obtenues, eut la sagesse de ne pas verser dans l’ornière de la révolution. Une assemblée constituante fut immédiatement convoquée, et arrêta d’accord avec le pouvoir royal les dispositions du pacte qui devait désormais servir de base, au gouvernement de l’état. Les délibérations de cette assemblée resteront l’honneur de la nation hellénique ; on est étonné, lorsqu’on en lit les procès-verbaux, du bon sens, de l’honnêteté, du vrai patriotisme, qui animaient alors les représentans de ce peuple encore à demi sauvage. Dominés par les trois puissantes figures de Colettis, de Metaxa et de Mavrocordatos, les débats ont une gravité solennelle et une maturité que l’on n’a plus revues dans les luttes parlementaires de la Grèce ; les hommes les plus indisciplinés et les plus corrompus semblent comme apprivoisés et relevés par le seul nom de la liberté et par l’influence des chefs qui dirigent les partis ; on ne découvre ni esprit d’anarchie, ni logomachie stérile, ni rêves creux de théoriciens ; les discussions sont sobres et pratiques, à tel point que trois mois suffisent pour les nombreux travaux de cette assemblée. En un mot, les actes de la constituante de 1843 sont dignes des nations les plus avancées de l’Europe, et semblent promettre à la Grèce à peine naissante l’avenir politique le plus brillant. Si la charte rédigée par cette assemblée avait été réellement pratiquée de part et d’autre, et par le pouvoir et par le pays, la Grèce aurait joui depuis vingt ans d’un gouvernement qui eût suffi pour changer la face du royaume. Quand les assemblées chargées d’établir le pacte fondamental d’un pays se réunissent à la suite d’une insurrection victorieuse, elles ne sont que trop souvent portées à multiplier les précautions constitutionnelles contre la royauté : elles défendent aux ministres de siéger dans les chambres, où elles imposent au souverain de ne les prendre que parmi les députés ; elles ne donnent au roi qu’un veto suspensif ; elles instituent une seule chambre, élective, afin de mettre le prince constamment en présence du vote populaire, et elles assurent à cette chambre une part du pouvoir exécutif en lui faisant décider les questions de paix et de guerre, en lui donnant un contrôle sur le choix des fonctionnaires supérieurs, etc. Les constituans