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et des autres villes le désir continuel de changemens qui renouvellent l’administration le plus souvent possible, de là l’assaut du pouvoir, l’âpre avidité des ambitions personnelles. Les avocats sans causes, les médecins sans malades, les bacheliers sans carrière, les sous-lieutenans sans perspective d’avancement, constituent par tous pays les premiers élémens du parti révolutionnaire, et la Grèce ne fait pas exception sous ce rapport à la règle commune.


II

Un négociant français, établi depuis longues années à Athènes, disait plaisamment des Grecs à lord Byron : « C’est toujours la même canaille qu’au temps de Thémistocle. » Il n’y a pas, en bien et en mal, de meilleur jugement sur le peuple hellène. Jamais caractère national n’a moins changé que celui des Grecs au travers des siècles et des vicissitudes sans nombre qu’ils ont subies. Ils ont la même intelligence que leurs ancêtres, la même rapidité de conception, la même justesse d’esprit, le même patriotisme ; mais ils ont conservé leurs défauts comme leurs qualités. La légèreté, la turbulence inquiète, la vanité, l’esprit personnel, la finesse souvent tortueuse, la jalousie démocratique, sont aussi développés dans la Grèce de nos jours que dans les républiques de Sparte et d’Athènes. Le paysan qui bannissait Aristide par la seule raison qu’il était fatigué de l’entendre appeler le juste se retrouverait à un grand nombre d’exemplaires dans l’Athènes contemporaine. Les Grecs sont toujours et avant tout ce peuple essentiellement complexe que personnifiait le démos de Parrhasius, figure célèbre, dont le visage portait à la fois l’expression de tous les vices et de toutes les vertus. Ils unissent les défauts et les qualités en apparence les plus opposés ; ils sont à la fois avides d’argent et prodigues de celui qu’ils ont acquis, cupides et généreux, égoïstes et disposés au sacrifice, obséquieux et fiers, calculés et capables d’entraînemens, doués de bon sens pratique et se laissait aller à des chimères insensées, turbulent et faciles à conduire pour celui qui sait agir sur leur esprit. Le même homme chez eux sera capable des plus nobles dévouemens patriotiques et n’hésitera pas à conduire le pays aux abîmes lorsqu’ils s’agira pour lui d’une question d’orgueil ou d’ambition personnelle. C’est pour cela que l’on a porté sur eux tant de jugemens contradictoires, qui contiennent tous une part de vrai et une part de faux. Il n’y a pas de peuple plus difficile à bien comprendre pour un étranger ; seul un long séjour au milieu des Grecs permet de pénétrer dans la connaissance intime de leur caractère et de les juger équitablement.

Non-seulement le fond du caractère du peuple grec est resté le