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grande satisfaction je découvris au bord de la mer, de l’autre côté d’un torrent qui tombait en murmurant parmi des quartiers de roche, un enfant d’une douzaine d’années. Il me faisait des signes pour m’indiquer la direction que je devais prendre. D’après les conseils de mon guide, je passai sur un pont naturel de pierres tremblantes, le torrent déjà grossi par les pluies, et je me trouvai dans une étroite vallée ou, pour mieux dire, dans un pli de terrain resserré à droite et à gauche entre d’épaisses collines. L’enfant marcha bravement devant moi et me conduisit dans une humble chaumière pittoresquement assise sur un rocher tronqué en face d’une grande roue de moulin. Là je m’assis au coin du feu, me rendant à l’invitation de la maîtresse de la maison, qui était la mère de plusieurs petits enfans rassemblés autour d’elle comme une couvée. Son mari avait pour industrie de polir des pierres curieuses et de tailler dans la serpentine des encriers, des vases, des lampes et toute sorte d’objets d’art que la femme vendait aux voyageurs. Il existe dans le village plusieurs de ces boutiques de curiosités locales. Deux riches compagnies industrielles, Penzance serpentine company et Lizard serpentine company, se sont en outre établies depuis quelques années pour travailler cette pierre en grand et au moyen de puissantes machines. On en fait aujourd’hui des colonnes, des devans de cheminée et d’autres ornemens d’architecture.

La profession de lapidaire est avec l’agriculture et la pêche ce qui donne aux habitans du Lizard les moyens de vivre. La pêche est assez abondante et embrasse une riche variété de poissons. On prend sur ces côtes le turbot, mais j’appris avec étonnement que les pêcheurs de la Cornouaille n’en font point un très grand cas. Ils le coupent souvent en morceaux pour tenter la gourmandise des homards, ces Lucullus des mers. La raison d’un tel sacrifice est que les pêcheurs peuvent aisément tenir en vie les homards et attendre ainsi les demandes des marchands de Londres, tandis qu’ils ont beaucoup de peine à conserver les turbots. De tous les poissons qui alimentent le travail de la pêche en Cornouaille, un seul mérite d’ailleurs de fixer notre attention comme étant particulier aux rivages britanniques de l’ouest, et ce poisson est le pilchard. Le pilchard visite les côtes du Lizard, et 6,500 barils, contenant chacun 2,400 ou 2,500 de ces poissons salés, ont été chargés en 1862 à l’est du Lizard pour l’Italie.

C’est au Land’s End (fin de la terre) que les masses granitiques atteignent tout à coup un développement cyclopéen et formidable. Les roches qui hérissent ce promontoire forment les dernières vertèbres de la grande épine dorsale de l’Angleterre. Une chaîne de montagnes qui commence au Cumberland élève vers le nord un premier