Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point d’ailleurs pour effacer un déficit avoué de 15 millions de roubles sur l’ensemble du budget, et l’on ne saurait encourir le reproche d’un excès de prudence en disant qu’il faut attendre le compte général pour arrêter la balance. Il est en effet probable que d’autres branches du revenu n’auront pas atteint en 1863 les chiffres inscrits ; ce qui est certain, c’est que les dépenses auront singulièrement dépassé les prévisions budgétaires. On en trouve la preuve dans une nouvelle émission de douze séries de billets du trésor pour une somme totale de 36 millions de roubles (144 millions de francs), qui aggrave d’autant la dette flottante de l’empire. L’oukase du 16 janvier 1854, qui prescrit cette émission, fournit, ce semble, un commentaire significatif à nos observations du 15 janvier. Nous ne demandons pas mieux que d’être éclairé sur la situation financière de la Russie ; aussi prions-nous les écrivains qui ont bien voulu s’occuper de nos recherches, et cela même au risque de paraître indiscret, de nous apprendre quel est le véritable chiffre des billets du trésor en Russie. Nous ne l’avions porté qu’à 135 millions de roubles, y compris les 15 millions émis pour combler le déficit de 1863 ; mais nous trouvons, dans le budget pour le service de la dette publique imprimé au commencement de 1863, que les bons du trésor s’élevaient dès lors à 138 millions de roubles : nous en aurions donc atténué le chiffre de 18 millions de roubles. En y ajoutant les 15 millions créés l’année dernière et les 36 millions actuellement décrétés par l’oukase du 15 janvier, on arrive à un total de 189 millions de roubles, c’est-à-dire de plus de 750 millions de francs. De ce chef, le chiffre de la dette flottante se trouve dépasser de moitié celui que nous avions admis. Quant à la prétendue confusion que nous aurions commise en portant les 268 millions de roubles de billets à 5 pour 100 au compte de la dette de l’état, alors que ce serait une dette hypothécaire couverte avec un excédant par les 356 millions de roubles que les propriétaires doivent à la banque, nous en demandons pardon à M. de Thoerner, mais nous n’avons rien omis ni rien confondu. Les obligations sont dues par l’état, que les propriétaires paient ou ne paient point ; aussi disions-nous : a Comment lui rentreront dans les circonstances actuelles les 357 millions de roubles[1], solde des emprunts faits par des particuliers, et payables en divers termes de quinze à trente-sept ans ? » Cette rentrée est fort aventurée : en grande partie, les créances de la banque se compenseront avec les indemnités dues aux propriétaires par suite de l’émancipation des paysans. Loin d’être en état de se libérer du surplus, les propriétaires ont un besoin urgent de nouvelles avances pour transformer les anciens procédés de culture, assis sur le servage, et toutes les sources du crédit sont taries !…

« Personne n’ira contester à M. Wolowski, ajoute M. de Thoerner, que la dette flottante ne soit considérable et que le pays ne souffre d’une surabondance de papier-monnaie. » Le publiciste russe va plus loin que nous-même : il avoue que le goût de l’économie est peu développé en Russie,

  1. On voit que nous n’avons pas atténué le chiffre. M. de Thoerner oublie de faire figurer à côté des obligations 5 pour 100 celles à 4 pour 400, qui proviennent de la même source, et qui font aussi compensation à la dette des propriétaires fonciers.