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Les choses tournant ainsi, la question dano-allemande, que les cours secondaires avaient saisie avec une hâte étourdie, comme une occasion unique de conquérir la popularité à l’intérieur et l’importance au dehors, n’aura été pour elles au contraire qu’une source de déceptions et une cause d’abaissement. C’est en vain que M. de Beust et M. de Pfordten auront joué au rôle de ministres de grandes puissances, c’est en vain qu’ils auront fait mine, par la conférence de Wurtzbourg, de former une troisième puissance au sein de la confédération ; il faudra bien reconnaître à la fin l’inanité de ces efforts et de ces prétentions. Le ministre saxon a déjà eu, dans les façons brutales que le gouvernement prussien a prises envers lui, un avant-goût des déboires qui lui sont réservés. On peut répéter pour le parti libéral allemand les prédictions que l’on adresse aux cours secondaires. L’affaire danoise, à l’aide de laquelle il avait espéré réveiller et diriger le mouvement patriotique et réformateur, ne lui apportera que des désappointemens. Le pressentiment de ces conséquences a déjà frappé de découragement le parti libéral. En somme, il ne semble pas que la politique adoptée contre le Danemark doive porter bonheur à personne en Allemagne. Les fautes commises dans cette question ne sont pas faites pour donner au monde une haute idée de la capacité politique des hommes d’état allemands. La politique des cabinets allemands a été marquée par une violence et une imprévoyance également enfantines : on n’y reconnaît point les vues et la conduite d’hommes trempés par le sentiment moral de la responsabilité. La liberté n’a point encore assez mûri les politiques de la confédération. Le spectacle qu’ils nous donnent depuis trois mois est la confirmation éclatante du profond jugement que M. Guizot, dans son dernier volume, porte sur les hommes d’état comparés des pays libres et des gouvernemens absolus. Nous détachons quelques traits de cette belle page : « La différence est grande entre les hommes politiques qui se sont formés dans un régime de liberté, au milieu de ses exigences et de ses combats, et ceux qui ont vécu, loin de toute arène publique et lumineuse, dans l’exercice d’un pouvoir exempt de contrôle et de responsabilité. Pour suffire, à leur tâche, ils ont besoin les uns et les autres d’une réelle supériorité ; la vie politique est difficile, même dans les cours, et le pouvoir silencieux n’est pas dispensé d’être habile. Mais le gouvernement libre forme des mœurs viriles et des esprits difficiles pour eux-mêmes comme pour les autres ; il lui faut absolument des hommes. Le pouvoir absolu admet et suscite bien plus de légèreté, de caprice, d’inconséquence, de faiblesse, et les plus éminens y conservent de grands restes des dispositions des enfans. » C’est à propos de M. de Metternich lui-même que M. Guizot ne craint pas d’écrire ces lignes sévères : que n’aurait-on pas le droit de dire des étroites vues, des dissimulations, des boutades brutales, des forfanteries puériles, par lesquelles se distinguent sous nos yeux les hommes qui dirigent aujourd’hui la politique de l’Allemagne !

Quand on songe aux avortemens qui attendent la politique désordonnée