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mixte n’y serait supportée ; l’organisation de l’enseignement ne s’y prêterait pas. Il relève de l’état et a l’externat pour base. Peu de pensionnats privés où les empiétemens seraient possibles ; ceux qui existent sont pour la plupart réservés aux étrangers et soumis d’ailleurs à une autorisation préalable, où les plans sont débattus et quelquefois limités. De là des cadres rigides d’où il est difficile de sortir ? la liberté ne se retrouve que chez les professeurs ; leurs leçons échappent à, la servitude des livres officiels. Telle est la pédagogie allemande, formaliste dans ses variétés, gouvernée par un esprit de caste ; la symétrie y est en honneur plus qu’on ne le suppose. Ces Real Schulen, puisqu’il s’agit d’elles, ne sauraient dès lors, dans leur isolement et par le rang qu’elles occupent, passer pour l’analogue des institutions qui nous sont montrées en perspective. Quand on a visité l’Allemagne, on sait qu’elle est loin de s’en enorgueillir, et que, sans contester leur utilité, elle ne se dissimule pas leurs imperfections. L’instruction qu’on y donne est très succincte, et n’aboutit que superficiellement à l’exercice d’une profession. L’objet est manqué dans ce qu’il a de plus caractéristique, et cela devait être. L’Allemagne appartient moins à la grande qu’à la petite industrie, et cette dernière trouve dans les ateliers en chambre son apprentissage naturel, qu’on essaierait vainement de suppléer.

Dans les comtés anglais où la grande industrie domine, le même empêchement reparaît, quoique le motif diffère. On s’occupe de l’enseignement professionnel en France ; d’où vient qu’en Angleterre personne n’y songe, même à l’état de vœu ? L’intérêt est plus direct, plus pressant qu’ailleurs, et un peuple dont le calcul est si prompt, le tact si consommé, ne met pas ordinairement tant de lenteur à, découvrir ce qui lui profite. Évidemment il y a une cause à cela, et la cause est simple ; ces difficultés autour desquelles nous tournons, nos voisins les ont depuis longtemps aperçues, jugées et franchies ; la poursuite leur a paru un leurre, ils l’ont abandonnée ; leur opinion est faite, on ne l’ébranlera pas. Ils sont convaincus qu’un art manuel s’apprend et s’enseigne mieux qu’ailleurs dans le siège où il s’exerce. C’est bien élémentaire, et les esprits raffinés trouveront que cette façon de voir manque de profondeur. Elle exclut l’attirail des programmes, les gradations ingénieuses, les garanties des examens, les certificats, les diplômes. Voilà de grands vides, et les industries qui s’y résignent devraient être bien dépourvues. Ces industries marchent pourtant et d’une allure qui ne les laisse point en arrière. On dit qu’elles abusent de leurs auxiliaires ; leur manière d’en abuser est de les prendre bruts, de les dégrossir et de les former ; elles font d’un apprenti un ouvrier, d’un ouvrier habile un contre-maître ; les grades se gagnent sur le métier ; ce concours en