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plus souvent, leur permettait de se produire, s’il n’épiait pas avec un sentiment de jalousie ce qui se fait sans lui et en dehors de lui. Notre régime actuel n’a pas de plaie plus profonde : le terrain manque sous les pieds de ceux qui veulent se lancer hors des voies battues, et ceux qui marchent dans les rangs officiels sont enchaînés à de médiocres positions et à des tâches banales. Nos principaux ingénieurs n’ont donné la mesure de leur force et ne se sont fait un nom que lorsqu’on les a détachés des carrières publiques. Ils ont construit alors notre réseau de chemins de fer et concouru à la construction du réseau étranger : restés dans les cadres, ils n’auraient eu ni cette chance, ni cette fortune.

Pour ouvrir des sillons nouveaux, il faut des instrumens plus maniables que ceux dont les gouvernemens disposent ; ces exemples le prouvent. Dans l’enseignement professionnel, non-seulement tout est nouveau, mais ingrat, contesté, sujet à des conflits de compétence. Qu’on le laisse alors dans le domaine libre, sur le sol où il est né, qu’on ne le soumette pas à des transplantations hâtives. Il trouvera sans doute ailleurs un sol analogue, les mêmes soins, la même culture, et, si on ne lui fait pas violence, le même succès. L’essentiel est de savoir attendre, de donner à la semence le temps d’éclore en détail au lieu de la faire lever en bloc. Cet enseignement français, par exemple, dont le ministre de l’instruction publique a tracé l’esquisse et qu’il nous montre à de prochains horizons, pourquoi ne pas l’abandonner aux institutions particulières ? Il y serait mieux à sa place que dans les lycées. Si le besoin est sérieux et partout où il sera sérieux, la spéculation s’en mêlera ; des écoles s’ouvriront pour ce service, d’anciennes s’y adapteront ; leur nombre sera en rapport des cliens, leur siège là où existent des élémens de réussite. Nulle nécessité d’imposer des arrangemens et de rédiger des programmes ; sur ce point aussi, tout serait relatif : ici des internats, là des externats comme de l’autre côté du Rhin ; ici des études plus complètes, là plus sommaires suivant les catégories d’élèves et le degré d’aisance des parens. Le plus grand écueil serait de jeter ces maisons dans le même moule. Une fois du moins on aurait essayé ce que peut et ce que vaut, dans cet ordre d’intérêts, l’esprit d’entreprise quand ses franchises, lui sont restituées. Pour l’Université, ce serait, de l’aveu de ses amis les plus sincères, un véritable soulagement ; en se démettant à propos, elle aurait épargné à ses vieilles traditions un échec, à ses études principales une concurrence, aux élèves des chocs d’amour-propre, aux maîtres la confusion des langues. N’eût-on même, pour cet enseignement français, qu’une médiocre confiance dans les institutions particulières, l’Université aurait encore un suppléant tout prêt dans la commune,