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plus modestes et non moins utiles. Pour l’enseignement professionnel, il n’en a pas été autrement ; ce qu’il y a de possible a été préparé et réalisé par des mains libres. On a vu la part qu’y a prise M. Lavallée jusqu’au moment où, avec un désintéressement exemplaire, il a livré à l’état un établissement arrive à sa maturité. Un autre nom est à citer près du sien, c’est celui de M. Tabareau : ce que M. Lavallée a fait pour les ingénieurs civils, M. Tabareau l’a fait pour les contre-maîtres et les ouvriers. L’école de La Martinière, à Lyon, est une création dont il a été l’âme et sur laquelle il a un droit de paternité que personne ne conteste. Un legs du major-général Martin, mort dans l’Inde au service de l’Angleterre, a formé le fonds des premières dépenses et de la dotation annuelle, nécessaire au roulement. Le testament portait une affectation précise, et la commune instituée légataire était chargée de l’exécution des volontés du défunt. Plus d’un embarras s’attachait à ce devoir, il s’agissait de respecter la lettre des dispositions et d’en interpréter l’esprit dans une œuvre qui n’avait point d’analogue. Tout fut aplani par le choix de M. Tabareau. C’était en faveur des ouvriers que le major-général, né dans cette classe, avait voulu faire un acte de libéralité ; les combinaisons du directeur furent toutes dirigées vers ce but. Pour accroître le nombre des élèves, il ne fit de l’école qu’un externat purement gratuit et ouvert à des sujets de toutes les classes ; il calcula les heures des leçons de manière à les concilier avec le travail des ateliers et les habitudes de la famille. Son enseignement eut pour objet de porter promptement et sûrement à la connaissance des apprentis ce qu’il est utile de savoir pour devenir des ouvriers habiles, et en première ligne le sentiment du prix du temps. Par des méthodes particulières, il s’efforça de fixer l’attention des élèves et de reconnaître dans leurs rangs ceux qui se laissaient distraire. Sur les bancs, pas une minute n’était perdue, et les récréations étaient remplies par un travail manuel. C’est au dessin surtout qu’il s’attacha, comme au nerf des arts locaux, et il exigea que la main y obéît à une réflexion intelligente, née de l’analysé du modèle ; il y joignit assez de mathématiques et d’histoire naturelle pour faire une part convenable à l’exactitude et à l’observation. C’est dans cet esprit que l’école de La Martinière fut constituée, c’est sous cette impulsion qu’elle vit. Son succès a dépassé toute attente ; à elle seule, elle fournit cinq cents élèves par an pour des destinations très variées ; les trois écoles de l’état réunies n’en produisent que neuf cents. Ainsi les types de quelque valeur pour l’enseignement professionnel sont sortis de mains privées ; deux noms s’y sont identifiés,- et ils n’ont point d’attache administrative. De tels hommes sont rares, dira-t-on. Ils seraient moins rares, si l’état, en se dessaisissant