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des fondations isolées, après des études faites et sous des conditions mûrement débattues. La règle déterminante serait l’opportunité ; elle exclurait les plans généraux, les cadres en l’air, plus faciles à imaginer qu’à remplir. Cette campagne en faveur de l’éducation professionnelle se réduirait ainsi à ce qui se fait le plus naturellement du monde. À quoi se prendre et que reste-t-il en dehors du domaine que nous venons de parcourir ? Dans un récent discours, le ministre de l’instruction publique citait les écoles des manufactures et s’attachait à elles comme à une dernière ressource ; mais les écoles des manufactures n’ont ni l’importance, ni les prétentions qu’on leur suppose. Elles n’existent qu’à l’état d’exception, à titre d’octroi seulement, au gré de l’entrepreneur : comme aucune loi ne les prescrit, elles échappent aux rigueurs des règlemens et se fermeraient plutôt que de supporter les plus petites violences ; elles ne sont ni maniables, ni susceptibles de prendre, dans leurs conditions actuelles, un caractère général. On en rencontre plusieurs en Alsace, moins dans la Flandre, quelques-unes en Normandie. Partout où l’instruction primaire est à portée, il s’en fonde peu ; elles sont presque toutes créées en vue des dérangemens que causent les distances. On rapproche alors l’école de l’atelier par convenance et par une libéralité bien entendue. Dans ce cas, ce n’est pas l’école, c’est l’atelier, qui est professionnel. Les entrepreneurs n’ont point d’illusions à ce sujet ; ils savent que les véritables leçons se prennent devant le métier, dans un ensemble d’opérations où la vue se forme comme la main, où tout est sérieux depuis la façon la plus élémentaire jusqu’à la façon la plus définitive. Pour le jugement comme pour les bras, rien ne supplée cet apprentissage ; c’est le plus simple et aussi le meilleur. Quant aux écoles annexées aux manufactures, elles apprennent aux enfans à lire, à écrire et à calculer ; leur ambition ne va point au-delà. Tels sont les faits ; songerait-on à les modifier ? Ferait-on à l’entrepreneur une obligation de ce qui n’est qu’une faculté ? On irait de propos délibéré au-devant de difficultés dont on n’a pas la conscience. Il s’agirait d’abord de fixer la limite où commence l’industrie en groupe et où elle finit, de mettre les charges en rapport avec le nombre ; il resterait ensuite à prendre d’autres dispositions pour l’industrie disséminée, pour l’industrie en chambre. Tout serait obstacle. Si les fabricans devaient faire les frais de ces écoles, l’impôt serait lourd et donnerait ouverture à des dédommagemens ; si c’est le trésor, la dépense excéderait tous les calculs préalables. À nos quarante mille écoles primaires, il faudrait ajouter au moins cinq mille écoles des manufactures, qui n’auraient de professionnel que le nom. L’atelier n’en resterait pas moins le siège réel de l’apprentissage. On aura beau s’agiter, aller