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genres et distribués dans les divers centres de fabrication. L’état en viendrait forcément à acheter des matières et à vendre des produits sur une assez grande échelle. Ces opérations cadreraient mal avec ses habitudes de comptabilité et les garanties qu’il cherche dans les adjudications publiques ; par la force des choses, il serait conduit à donner à ses agens plus de latitude, une délégation moins étroite, à placer sa confiance dans les hommes et non dans les règlemens. De là des abus possibles et un certain trouble jeté dans la production ; par leurs achats ou leurs ventes, les ateliers officiels pèseraient sur les cours, en affecteraient la marche. Quel sujet de plaintes et d’ombrages ! L’industrie n’est pas tolérante de sa nature et ne souffre guère d’empiétemens. On se souvient des doléances qu’elle fit entendre à propos du travail des couvens et des prisons : comment s’accommoderait-elle d’une concurrence établie sur vingt points à la fois, et qui offrirait à tout prix, d’une manière incessante, les produits imparfaits de l’apprentissage ? L’état en ferait l’essai, qu’il serait contraint de s’arrêter devant les clameurs. Ces usines administratives donneraient lieu d’ailleurs à une assez triste réminiscence. Ce serait comme un chapitre détaché du volume de M. Louis Blanc sur l’organisation du travail. L’auteur, qui voyait dans la concurrence un fléau, voulait l’anéantir dans un monopole exercé par l’état ; son plan était conforme aux convictions qui l’animaient. Il proposait la création d’ateliers publics qui auraient été à la fois des modèles et des régulateurs. Bien gérés, bien armés, ils auraient graduellement et sans violence absorbé les ateliers privés ; ils auraient dans tous les cas fourni des types et préservé les ouvriers des fluctuations et des crises du salaire. Sans forcer le rapprochement, n’y aurait-il pas quelques traits analogues dans la multiplication exagérée des écoles des arts et métiers ? Ne serait-ce pas également l’état entrant de plain-pied dans l’industrie et devenu malgré lui entrepreneur et spéculateur ? Que le gouvernement produise de ses mains ce qu’il doit consommer lui-même, c’est rarement un avantage : c’est quelquefois une nécessité, comme pour les services militaires et maritimes ; mais, s’il produit pour revendre, il prend vis-à-vis des tiers une position abusive qui n’est tolérable que pour un petit nombre d’exceptions.

L’impression que laisse ce coup d’œil jeté sur les établissemens qui dépendent du ministère du commerce et des travaux publics, c’est que, tout considéré, ils ne sont pas susceptibles d’un notable accroissement. Tout au plus serait-il expédient d’ajouter quelques unités soit aux écoles des arts et métiers, soit à l’école centrale des arts et manufactures, comme on vient de le faire à Lyon. Des combinaisons mixtes peuvent en outre associer l’état et les communes dans