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nuirait aux lettres sans profiter aux arts ; il servirait de prétexte à ceux qui, même avec les moyens d’en faire les frais, préfèrent à de pleines études des études plus faciles et moins coûteuses ; aux excès de l’imagination il substituerait les excès du calcul, et, tout bien considéré, la société n’a rien à gagner au change. De toutes les manières, il ne remplirait pas son objet et n’aurait point de caractère professionnel. Que l’enseignement français soit mis en vigueur ou non, le problème reste ce qu’il est ; c’est par d’autres voies et d’autres mains qu’il faudra essayer de le résoudre.


II

L’Université une fois dessaisie, le champ devient libre pour le ministère du commerce et des travaux publics, qui se trouve là du moins dans son élément naturel vis-à-vis des hommes et des intérêts dont il est particulièrement chargé, vis-à-vis des chefs d’industrie, des contre-maîtres, des ouvriers. La grande et la petite industrie ont par elles-mêmes une vie, une activité qui n’ont besoin ni d’assistance ni de conseils ; elles ont la conscience et l’expérience des services qu’elles doivent rendre. Ce qu’elles demandent, quand elles sont bien inspirées, c’est qu’on les laisse juges de leurs intérêts et libres dans le choix des moyens. Pour se convaincre que, d’une façon ou d’une autre, le degré de l’instruction s’y élèvera même sans encouragement officiel, il suffit de réfléchir à ce fait, que l’ignorance en matière d’industrie est un moindre profit, lorsqu’elle n’est pas une cause de dommage. Pour le patron comme pour l’ouvrier, toute conquête en ce genre est une perspective de bénéfices, et la partie est si heureusement liée que ce que les uns ajoutent à la somme de leurs connaissances sert aux autres, et réciproquement. On pourrait à la rigueur s’en remettre, pour l’avancement de l’éducation, à cette convenance mutuelle qui a déjà beaucoup agi et agira de plus en plus. Les dépenses ne sont pas un obstacle ; la grande industrie, la preuve en est faite, y souscrira ; l’argent s’offre en pareil cas, et il est d’autant plus prompt que c’est de l’argent bien placé. Il en est de même du commerce dans un cercle plus étroit. Le succès dans ces carrières est si inséparable du degré d’instruction, qu’on pourrait en laisser la responsabilité et le soin à ceux qui y sont directement intéressés. Ils frapperaient plus juste, et s’attacheraient à leur œuvre en raison de ce qu’elle leur aurait coûté. Ces garanties échappent dans une œuvre administrative, qui va toujours au hasard, au gré des systèmes et des influences. Voyons pourtant où en sont les choses sous ce dernier rapport, quels sont les établissement dont l’état dispose, et en quoi il est possible de les fortifier.