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faite. Vous devez pouvoir maintenir les choses dans leur état actuel jusqu’au moment où nous serons gradués, Charles et moi. Je ne vous en demande pas davantage. Une fois libre de mes mouvemens, je vous relèverai de garde, et ne connais pas de sabreur indien qui s’avise alors impunément de porter atteinte à la liberté de « ma sœur. »

« Passez en paix vos examens, répondit simplement James Elliot, et fiez-vous absolument à ma vigilance. Si vos paroles n’ont pas trahi votre pensée, je vous vois enfin, débarrassé d’une sotte préoccupation, revenir à une ligne de conduite qui aurait toujours dû être la vôtre. Sur cette nouvelle voie où vous entrez un peu tard, je ne demande pas mieux que de vous guider ; je commencerai même dès aujourd’hui. Vos examens une fois passés, — et si, comme je le suppose, ils ont une heureuse issue, — vous prendrez immédiatement le chemin de fer de Glasgow. Là des chevaux de poste vous conduiront sur la côte, en face de l’île de Ronaldsay. Vous traverserez le détroit, — le kyle, comme disent les Écossais, — sur une barque de pêche, et vous attendrez mes ordres dans ce pays de sauvages, où devraient abonder les peintres et les philanthropes. Vous vous y ennuierez beaucoup, si vous n’y faites du bien. Tâchez de vous amuser. Votre séjour d’ailleurs n’y sera pas éternel, et vous serez ensuite payé de vos peines, si je ne m’abuse pas trop sur le succès probable de certaine diplomatie que je tiens en réserve pour les grandes occasions. »

Austin et Charles furent reçus « seconds[1] » avec tous les honneurs de la guerre. Le jeune lord partit pour Londres après avoir fait jurer à son ami, — sauf empêchement essentiel, — de l’accompagner en Orient, où il préméditait un pèlerinage de quelques semaines. Austin, exécutant mot pour mot la consigne de son père, — de son « gouverneur, » pour parler le jargon moderne, — se réveilla trois jours après sous les rayons du soleil matinal, qui teignait de pourpre les côtes du comté d’Argyle et le Ben-More de Ronaldsay,


VII

Une quinzaine s’était à peine écoulée lorsque le Pélican vint jeter l’ancre devant la petite île écossaise. Le Pélican était un yacht à hélice dont les constructeurs actuels dénigreraient sans doute les proportions et l’allure, mais qui passait à son époque pour le nec plus ultra de l’élégance. Il était affecté au service des officiers de l’amirauté, plus spécialement aux navigations côtières de M. James Elliot. À peine avait-il été signalé que le bouillant Austin, quittant

  1. Il y a quatre classes de gradués.