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couches d’Œningen sur les bords du lac de Constance ont conservé les délicates empreintes. Avant d’avoir ressuscité les anciennes forêts helvétiques qui révèlent un climat plus chaud que celui du midi de l’Europe, M. Heer nous avait dévoilé les formes des insectes qui bourdonnaient en Suisse, à l’époque tertiaire, dans la cime des canneliers, des figuiers, des plaqueminiers et des légumineuses exotiques : les congénères de ces arbres habitent actuellement les zones intertropicales. MM. Gaudin et Carlo Strozzi, étudiant des couches du Val d’Arno près de Florence, y découvrent une. flore analogue à celle de Ténériffe et des zones tempérées de l’Amérique septentrionale. Ce sont là des preuves d’un climat plus chaud, caractérisé par de nombreuses espèces de lauriers. L’époque glaciaire des Alpes, abaissant la température de la Toscane, a tué toutes les espèces délicates, mais épargné les plus robustes, qui forment la végétation actuelle du pays. Ces travaux rattachent intimement la flore actuelle à celles qui l’ont précédée sur le globe. Désormais on ne saurait parler de géographie botanique sans s’occuper des végétaux qui sont enfouis dans les couches terrestres. M. Alphonse de Candolle propose le nom d’épiontologie pour désigner une nouvelle science qui comprendrait la paléontologie et la géographie des êtres organisés ; ce serait l’histoire de leur apparition successive aux diverses époques de la vie du globe et leur distribution présente à la surface de la terre. Ces deux études se touchent de près ; la faune et la flore qui nous entourent se lient étroitement aux dernières faunes et aux dernières flores perdues. Par leurs formes, par leur structure, beaucoup d’animaux, un grand nombre de plantes sont réellement des animaux et des plantes fossiles. Ces êtres ont survécu aux derniers changemens de température et d’humidité qui ont eu lieu à la surface du globe ; mais leur organisation tout entière est celle des végétaux et des animaux qui ont existé avant la plupart de ceux qui vivent aujourd’hui.

Telle est l’analyse très sommaire de la partie géologique des mémoires de la Société helvétique ; elle suffit néanmoins pour donner une idée du nombre et de l’importance des travaux qu’ils contiennent.

La part de la botanique est moins grande. La Suisse cependant est aussi riche en botanistes qu’en géologues ; mais la nature même de cette science se prête moins aux travaux limités à une localité restreinte. Une flore locale n’est qu’une pierre apportée à l’édifice de la flore générale d’une région naturelle, et un pays comme la Suisse ne saurait, malgré la végétation variée qui le distingue, occuper les loisirs de tous ses botanistes. Ils ont dû étendre le champ de leurs travaux au-delà de leur patrie. On trouve dans les mémoires