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dans toute son étendue et en examinant un à un les êtres organisés qu’elle renfermera reconnu les facies différens des faunes éteintes. Il a vu que, dans une même couche, les populations variaient suivant la nature des dépôts formés au sein de la mer géologique. Ainsi les limons que les cours d’eau entraînaient dans les mers anciennes, — comme le Rhône, le Nil, le Mississipi, les versent sous nos yeux dans les mers actuelles, — forment des fonds vaseux ou littoraux. C’est dans cette vase qu’habitaient les espèces libres à coquilles minces et fragiles, les solen, les myes, les moules, les tellines, les ammonites et les reptiles marins. Le terrain dit oxfordien est le type de ce genre de formation. L’Océan-Pacifique nous offre de nombreux exemples d’un facies bien différent du premier. Toutes les îles de la Mer du Sud et les côtes de la Floride sont entourées d’une ceinture rocheuse construite pour des animaux agrégés, les coraux bu polypiers. Il en était de même dans les mers géologiques ; on reconnaît ces anciens rivages au grand nombre de polypiers, d’huîtres et de coquilles perforantes dont ils sont bordés. D’autres animaux d’une structure plus délicate, des oursins, des bélemnites, des encrines, vivaient à l’abri de ces digues de polypiers qui les défendaient contre le flot. C’est le facies corallien qui caractérise, un étage des terrains jurassiques. Le corallien des environs de Neuchâtel, celui de Saint-Mihiel en Lorraine, sont des types de ces terrains. Aujourd’hui comme jadis, la haute mer est-le désert de l’Océan. Les pêcheurs et les zoologistes le savent bien, car les animaux y sont rares et peu variés. Dans les couches qui s’y sont déposées, on ne trouve que des débris de coraux et de polypiers spongieux ; , des bélemnites et des ammonites ; c’est le facies pélagique. Ainsi, conclut M. Gressly, dans une même assise géologique déposée à la même époque, on reconnaît les débris de populations diverses suivant qu’on parcourt les districts littoraux vaseux, coralliens ou pélagiques de cette assise. Souvent ces faunes diffèrent plus entre elles que des faunes correspondant à des époques distinctes. Cette idée féconde a été appliquée aux recherches stratigraphiques dans le monde entier, et a profondément modifié les idées des géologues. On ne se borne plus à reconnaître et à caractériser les terrains au moyen de quelques espèces seulement ; on s’efforce d’embrasser l’ensemble des faunes contemporaines de chaque formation d’eau douce ou d’eau salée.

La géologie du Jura doit encore beaucoup aux travaux de MM. Merian, Agassiz, Desor, Pictet, Renevier, Mousson, Greppin, dont les mémoires ont été recueillis et publiés par la Société helvétique. M. Renevier a décrit la perte du Rhône, qui se trouve en France. Le Rhône et la Valserine, en creusant profondément les terrains qu’ils