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REVUE. — CHRONIQUE.

paraît avoir fait des volumineux mémoires de M. Pasquier une lecture studieuse, et il en a tiré une biographie claire, exacte, mesurée. C’est M. Patin qui a répondu à M. Dufaure. Bien qu’une excursion dans la vie politique fût une aventure un peu nouvelle pour un homme voué aux recherches et aux délicates voluptés de l’érudition, M. Patin a mené son escapade à très bonne fin. Il a su dignement marquer la place que M. Dufaure occupe dans l’éloquence politique contemporaine, guidé par cette pénétration et servi par cet art des nuances au moyen desquels le littérateur accompli comprend tout et sait tout rendre. e. forcade.



REVUE MUSICALE.


Il n’est pas trop tard encore pour parler d’un opéra en cinq actes représenté au Théâtre-Lyrique le 19 mars. Tout le monde sait déjà que la musique est de M. Gounod et que le libretto a été arrangé par M. Michel Carré. Le sujet de Mireille est tiré d’un poème écrit en langue provençale par M. Frédéric Mistral. Ce petit chef-d’œuvre parut, je crois, en 1859, et le poète du midi le dédiait à M. de Lamartine. « Je te consacre Mireille, disait-il à l’auteur des Méditations : c’est mon cœur et mon âme, — c’est la fleur de mes années, — c’est un raisin de Crau qu’avec toutes ses feuilles t’offre un paysan. » Ces simples paroles indiquent déjà que M. Mistral s’est nourri de la poésie grecque.

« Écoutez donc. — Je chante une jeune fille de Provence, — Dans les amours de sa jeunesse, — à travers la Crau[1], vers la mer, dans les blés, — humble écolier du grand homme, je veux la suivre. — Comme c’était seulement une fille de la glèbe, — en dehors de la Crau il s’en est peu parlé… « Au bord du Rhône, entre les peupliers — et les saulaies de la rive, — dans une pauvre maisonnette rongée par l’eau, — un vannier demeurait, — qui, avec son fils, passait ensuite de ferme en ferme, et raccommodait — les corbeilles rompues et les paniers troués. — Ce vannier, Ambroise, avait un fils, Vincent, qui — n’avait pas encore seize ans ; mais, tant de corps que de visage, c’était certes un beau gars et des mieux découplés, — aux joues assez brunes. »

  1. La Crau (du grec krauros, aride), vaste plaine aride et rocailleuse. C’est l’Arabie-Pétrée de la France. Elle est traversée par le canal de Craponne, qui la parsème d’oasis.