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caractère de la géologie des trente premières années du siècle, Léopold de Buch en concluait que toutes les dolomies étaient dues à l’action chimique d’une roche ignée incandescente sur du calcaire ou carbonate de chaux ordinaire. Cette théorie des dolomies avait été acceptée pour ainsi dire de confiance. M. Brunner, reprenant l’étude de la contrée, a ébranlé une conviction trop légèrement formée : il a démontré qu’elle ne peut même pas résister à l’examen consciencieux de la localité considérée par M. Léopold de Buch comme fournissant des preuves irrécusables de la vérité d’une théorie naguère encore en faveur.

De la promenade de Berne, on voit en face de soi le groupe du Stockhorn, avant-garde des Alpes de l’Oberland et de la Gemmi ; M. Brunner en a aussi donné la description, et il considère la montagne comme le résultat de pressions latérales lentes de même origine que celles dont le massif central porte l’empreinte. Dans un mémoire sur la molasse tertiaire de la plaine suisse, M. Kauffmann, de Lucerne, arrive aux mêmes conclusions.

Les Alpes, malgré les travaux remarquables dont elles ont été l’objet, présentent encore au géologue une foule de problèmes à résoudre et d’obscurités à dissiper. Il n’en est pas de même du Jura. C’est la chaîne la mieux connue de l’Europe. Grâce au grand nombre des fossiles qu’elle renferme, les étages en sont faciles à caractériser, et le nom de terrains jurassiques est employé dans le monde entier pour dénommer des formations contemporaines de celles du Jura. Cette chaîne est devenue un type. Les formes du relief étudiées par Thurmann, Gressly, Desor et leurs successeurs sont la base de l’orographie moderne ; Le Jura est le seul système de montagnes que le géologue puisse déplisser comme un mouchoir et réduire à une surface plane. Originairement tous ces terrains se sont déposés horizontalement dans les mers où vivaient les nombreux animaux dont les débris remplissent des couches actuellement relevées, contournées et déplacées. Quelle est la cause de ces soulèvemens. Ici encore nous retrouvons l’action affaiblie de ces pressions latérales que nous avons reconnues dans le voisinage du Saint-Gothard. Les chaînons parallèles du Jura, dont la hauteur va en diminuant dans la direction de l’est à l’ouest ou de la Suisse vers la France, sont un effet de l’apparition des Alpes. Les Alpes sont la grande vague, les chaînons du Jura ne sont que les rides produites dans une eau tranquille, et qui s’abaissent à mesure qu’elles s’éloignent du flot principal, dont elles offrent l’image affaiblie.

La paléontologie ou la connaissance des corps organisés fossiles doit une grande partie de ses progrès à l’étude minutieuse des couches du Jura. C’est là que M. Gressly, en suivant une même assise