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Souli, gardée à vue par un mari jaloux. Et si l’on n’avait pu aborder à la grande Comore, ravie aux communications du dehors par un despote ombrageux, on aurait plus loin touché aux Seychelles, archipel autrefois français, et poussé enfin jusqu’à Zanzibar, où le sultan notre allié, vassal de l’iman de Mascate, nous eût accueillis avec joie. Pourquoi faut-il que tous les rêves faits au départ se soient évanouis en route, et que nous n’ayons rapporté de notre trop court voyage que quelques impressions fugitives ?

Sur quelques points sans doute de la grande île, nos efforts eussent été vains, et la défiance des Malgaches aurait continué de se montrer intraitable. Ainsi nous n’aurions pu arriver certainement du premier coup à l’exploitation des mines d’or et d’argent et à l’ouverture de routes carrossables, surtout entre la mer et la capitale. Depuis Radama Ier en effet, la politique des Hovas n’a pas varié à ce sujet, et ils ont compris avec juste raison que le travail des mines de métaux précieux et le tracé des grandes voies de communication fixeraient sur eux les regards des nations civilisées et livreraient le pays à la colonisation des blancs. De la défense expresse, sous Radama Ier et Ranavalo, d’exploiter les mines et d’ouvrir des routes. Ces traditions s’étaient maintenues sous Radama II, et l’on a vu comment la caste noble s’était opposée de toutes ses forces à la signature du traité de commerce avec la France et à la délivrance de la charte Lambert, deux actes par lesquels le jeune roi abolissait les mesures restrictives adoptées par ses prédécesseurs. Nous avions tous reçu de la compagnie l’ordre formel de n’aborder qu’avec la plus grande circonspection, du moins au début de nos courses, l’étude géologique des filons d’or et d’argent, ainsi que les nivellemens pour le tracé des routes, précaution qui d’ailleurs a été superflue, car, à peine le roi Radama disparu, le nouveau gouvernement remettait en vigueur les anciennes lois. Il y a peine de mort aujourd’hui à Madagascar contre quiconque découvre, dénonce ou fouille une mine d’or ou d’argent. L’ouverture de chemins carrossables est prohibée, et la reine actuelle peut dire, comme Ranavalo, que ses deux meilleurs généraux contre l’invasion des blancs sont toujours tazo et hazo, c’est-à-dire la fièvre et les bois. Parmi ces bois, il y en a un, celui d’Anamazotre, sur le chemin de Tamatave à Tananarive, qui est presque impénétrable ; il est semé d’affreux précipices, de nombreuses fondrières, et il faut toute l’habileté et l’expérience des porteurs pour sortir de ce mauvais pas.

Ce côté tout particulier de la question écarté, aucune autre difficulté ne paraissait s’élever contre l’accomplissement de notre mission d’exploration ; les embarras ne seraient venus que plus tard, quand l’heure aurait sonné de l’exploitation du sol et de la coloni-