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moins étonné les Malgaches en ramenant des profondeurs du sol les nappes artésiennes, qui eussent doublé la production des rizières et fourni de l’eau potable à tous les endroits habités. À ces races qui ignorent presque l’emploi des simples et qui pratiquent plus volontiers la divination et l’astrologie médicales, le médecin serait apparu comme un sauveur envoyé du ciel ; on serait venu le consulter de bien des lieux à la ronde, et l’application heureuse, la distribution gratuite des remèdes d’Europe, auraient fait bénir le sikide blanc et la compagnie qui l’envoyait. Le fondeur aurait appris aux habitans de la province d’Emirne, déjà si habiles à forger le fer, l’art de le fondre par nos méthodes, et le pays, tributaire jusqu’ici de Maurice et de La Réunion pour une quantité d’objets en fonte, aurait pu les produire avec économie et les expédier à son tour aux îles voisines. Enfin il n’est aucun de nous qui n’eût, comme on dit, travaillé de son art, et dans une contrée si curieuse, si intéressante, où tant de richesses naturelles existent inexploitées, à peine étudiées, chacun des membres de la mission aurait fait une ample récolte de faits nouveaux. Des observations météorologiques, des coupes de terrains, des vues photographiques, auraient enrichi les travaux communs. Ceux d’entre nous qui auraient dû faire le tour de l’île, l’une des plus grandes qui existent sur le globe, auraient, entre le cap d’Ambre au nord et le cap Sainte-Marie au sud, assisté à plus d’un intéressant spectacle. Sur la côte est, les plages sablonneuses semées de dunes, aux mouillages souvent inhospitaliers, se seraient déroulées à leurs yeux avec leur ceinture verte et fleurie, si brillante sous le ciel des tropiques. Parfois des baies profondes comme la baie de Diego-Suarez, qui pourrait abriter plusieurs flottes, ou celle d’Antongil, témoin au siècle dernier des exploits de Beniowski, seraient venues agréablement varier ce long voyage de circumnavigation. Dans le sud, on aurait salué Fort-Dauphin, le premier établissement des Français à Madagascar au XVIIe siècle. Les populations paisibles des côtes, les Antankares, les Bétanimènes, les Betsimsaraks, les Antasimes, auraient reçu à pras ouverts les blancs porteurs de piastres. Dans le canal de Mozambique, on aurait pu entamer des relations avec la confédération guerrière des Sakalaves, presque toujours amis de la France. Profitant des calmes qui facilitent la navigation du canal, on aurait pu toucher, sur la côte africaine voisine, aux établissemens portugais, autrefois puissans, aujourd’hui en ruine, mais qui ont toujours conservé un certain renom, — Sofala, où quelques archéologues voient l’Ophir de la Bible, et Mozambique, le port aimé des négriers. Dans l’archipel des Comores, on aurait séjourné à Mayotte et à Nossi-Bé, où flotte depuis vingt ans le drapeau de la France, à Anjouan, convoité des Anglais, à Mohéli, où domine notre protégée, la petite reine Jombé