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de mouvement mécanique, ou par conséquent en équivalent de toutes les autres forces que manifeste la matière, il pourra considérer comme démontré que les phénomènes de la conscience sont des phénomènes matériels ; mais le spiritualiste, partant des mêmes faits, pourra prétendre avec autant de logique que si les forces déployées par la matière ne peuvent être reconnues que sous la forme où elles se révèlent à la conscience, on peut en inférer que ces forces, quand elles sont hors de la conscience, gardent la même nature intrinsèque que lorsqu’elles lui sont manifestées, et ainsi se justifie la conception spiritualiste du monde extérieur, regardé comme quelque chose d’essentiellement identique à ce que nous nommons l’esprit. Il est manifeste que l’établissement de la corrélation et de l’équivalence des forces du monde externe et du monde interne peut servir à pleinement assimiler l’un à l’autre ; mais celui qui interprétera bien la doctrine contenue dans ce livre aura compris qu’aucun de ces deux termes ne peut être considéré comme le terme dernier. Il aura vu que bien que la relation du sujet à l’objet rende pour nous nécessaire la conception de ces deux termes d’une antithèse, l’esprit et la matière, l’un et l’autre ne doivent cependant être regardés que comme un signe de la réalité inconnue qui gît sous tous les deux. »


À la faveur de ces réserves et de ces explications, on sera peut-être moins disposé à repousser sans examen une théorie qui assimile aux autres forces naturelles les forces vitales et mentales. Toutefois, si la métaphysique peut a priori confondre tous les modes possibles de l’activité universelle, la philosophie positive, pour être fidèle à ses propres principes, ne peut admettre une telle assimilation qu’en l’appuyant de preuves rigoureuses, et ces preuves lui font défaut. La métaphysique, embrassant dans la même synthèse le moi et le non-moi, peut se dispenser de tracer des limites infranchissables entre les forces aveugles du monde matériel et les forces libres du monde de la pensée. La philosophie positive n’a pas même encore réussi à établir la parenté, la filiation des forces physico-chimiques et des forces vitales ; à plus forte raison ne saurait-elle aujourd’hui dévoiler les liens invisibles qui unissent la vie à la pensée. Les sciences naturelles, les sciences historiques et la psychologie, tout en ayant les yeux les unes sur les autres, sont donc condamnées à suivre des routes différentes. Les voies où elles s’avancent aujourd’hui vont, il est vrai, en se rapprochant sans cesse, mais nous n’apercevons pas encore leur point de convergence, et l’on n’est peut-être pas même fondé à soutenir qu’elles se rencontreront un jour. Les principes de la philosophie positive n’ont jamais sans doute inspiré une œuvre plus vaste, plus compréhensive que celle que nous avons essayé d’analyser ; mais, en jetant un regard en arrière, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer combien cette philosophie nouvelle reste encore impuissante à coordonner toutes