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rapports qui unissent les élémens des phénomènes : l’un de ces élémens variant, les variations des autres sont déterminées. Dans la continuité des manifestations, les effets et les causes s’enchaînent sans fin et sortent éternellement les uns des autres, ou plutôt il n’y a pas de cause qui ne soit un effet, pas d’effet qui ne devienne une cause. Cette évolution continuelle et réglée n’est autre chose que ce que la philosophie hégélienne appelle le devenir. Les optimistes ont donné à ce développement incessant le nom de progrès ; mais cette expression se rattache peut-être de trop près à des préoccupations purement humaines et subjectives. Dans le mouvement éternel des choses, on ne saurait dire, à ne regarder que l’ordre matériel, s’il y a progrès ou recul. Les mondes ici s’intègrent, là se désintègrent ; sur un point, ils se forment et pour ainsi dire s’organisent en sortant de l’état nébuleux et cosmique ; sur un autre, ils retombent de nouveau au sein d’une sorte de chaos, sans soleil, sans lumière, sans masses condensées, sans formes ni limites. Ici la vie tire industrieusement les élémens qui lui sont nécessaires de l’inertie inorganique, elle les transforme, les modèle, les pare au gré de sa puissante fantaisie ; ailleurs les organismes s’étiolent, se détériorent, et finissent par rendre toute leur substance au règne minéral.

Du point isolé où est placé l’homme, il ne saurait avoir la prétention de suivre dans toutes les parties de l’univers les phases de ce développement infini. Il saisit bien peu de phénomènes en dehors de ce système où tourbillonne son humble planète ; mais la contemplation idéale lui a révélé l’idée de l’ordre universel, et l’observation a fortifié en lui la croyance à des lois générales. Comme le remarque avec beaucoup de raison M. Spencer, la découverte des lois scientifiques est elle-même soumise à des lois. Cette pensée a servi déjà de guide à M. Auguste Comte, quand il a exposé au commencement de sa Philosophie positive une classification en quelque sorte historique des sciences. L’esprit humain ne pose que les uns après les autres les divers problèmes de la connaissance ; il ne les aborde que lorsqu’il est déjà préparé à les résoudre. L’astronomie lui a fourni les premières intuitions de l’ordre universel ; les pâles et lointains flambeaux de la nuit lui ont envoyé les premiers rayons de vérité, La gravitation est la force dont la science a trouvé d’abord la loi simple et grandiose ; puis tour à tour elle a cherché le secret des lois physiques et des lois chimiques, et aujourd’hui enfin elle explore avec une curiosité inquiète toutes les avenues du labyrinthe au centre duquel se cachent encore les forces vitales.

La découverte de la corrélation des forces naturelles inonde d’une lumière nouvelle tous les phénomènes soumis à nos investigations,