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générations restantes donneraient un total de treize cent cinquante ans, et reporteraient la première colonisation d’Hawaii par les Polynésiens vers la fin du Ve siècle. En appliquant la même correction aux nombres donnés par l’ouvrage de M. Remy, on remonterait jusque vers le milieu du troisième siècle. Enfin, en supposant que la généalogie de Gattanéwa doive subir une correction analogue, il en résulterait que les Tongas arrivèrent aux Marquises environ un siècle et demi avant notre ère.

M. Hale assigne au peuplement de Tahiti une antiquité bien plus considérable, car il le fait remonter jusque vers le Xe siècle avant notre ère ; mais le savant voyageur se fonde uniquement sur des raisons tirées de l’altération que la langue et les mœurs présentent lorsqu’on les compare à ce qui existe à Samoa. Les mêmes motifs lui font regarder l’émigration de Tahiti et celle de la Nouvelle-Zélande comme ayant dû être contemporaines : or, bien loin d’être aussi ancienne, la seconde est très moderne. Parmi les chants recueillis par sir George Grey, il en est un qui permet d’en fixer l’époque à quelques années près, et ce chant est remarquable par sa précision ; il raconte l’histoire de Maru-Tuahu, l’un des chefs venus à la Nouvelle-Zélande sur le Taïnui, et de ses descendans immédiats. À la quatrième génération, on voit naître une fille nommée Tuparahaki, « de laquelle sont descendus, ajoute la légende, en onze générations tous les principaux chefs aujourd’hui vivans de la tribu des Ngatipaoa. » Le chant dont nous parlons constate donc que quinze générations ou quatre cent cinquante ans s’étaient écoulés depuis l’arrivée du Taïnui à la Nouvelle-Zélande. Ce navire, on le sait, faisait partie de la flottille des premiers émigrans, et comme la tradition a été recueillie en 1853, cet avènement remonterait tout au plus aux premières années du XVe siècle[1].

Quant au peuplement de Tahiti, nous pouvons opposer à l’estimation toute conjecturale de M. Hale un document non moins précis que les précédens : c’est la généalogie des anciens rois de Raïatéa, ancêtres des Pomaré[2]. Cette généalogie, recueillie avec grand

  1. M. Maunoir porte à cinq cents ans environ l’espace de temps qui nous sépare de l’arrivée des Maoris dans leur nouvelle patrie. M. Baker de son côté l’estime à huit cents ans. Ni l’un ni l’autre de ces auteurs n’indique d’ailleurs les données qui ont servi de base à ces estimations. Peut-être y a-t-il quelques variantes dans les chants historiques mais il me semble difficile d’avoir un document plus précis que celui que nous devons à sir George Grey.
  2. Je dois la communication de cette généalogie à M. Gaussin, qui m’a fait connaître en outre l’existence à Paris de plusieurs documens inédits d’une haute importance pour l’histoire ancienne de Tahiti, lesquels ont été recueillis par les soins du contre-amiral Lavaud, alors gouverneur des Iles de la Société. La plupart appartiennent au dépôt de la marine. J’ai dit plus haut comment l’un de ces témoignages est venu confirmer à l’improviste l’exactitude de la carte de Tupaïa et la réalité des connaissances géographiques des Tahitiens antérieurement à la visite des Européens. Un autre chant essentiellement