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de suivre les mouvemens de ces tribus en marche dans l’immensité des mers ; mais, appuyé tour à tour sur les traditions, sur la connaissance du langage, des mœurs, des usages, M. Hale a surmonté toutes les difficultés, et après avoir étudié un à un chacun des principaux archipels, il a pu tracer une carte des migrations océaniennes qui embrasse à peu près toute la Polynésie, et pénètre jusque dans la Micronésie[1]. Nous ne pouvons le suivre pas à pas. Aussi, sans nous astreindre à la même méthode, essaierons-nous de donner aussi brièvement que possible une idée des résultats les plus importans de ce travail, des faits principaux qui lui servent de base, et pour cela nous renverserons en quelque sorte l’ordre suivi par l’auteur.

Les archipels de Samoa et de Tonga sont situés, on le sait, à l’extrémité occidentale de la Polynésie. Or, lorsqu’on interroge leurs habitans sur leur ancienne histoire, ils répondent par des traditions d’où il résulte que leurs ancêtres vinrent dans l’origine d’une grande île située encore plus à l’ouest. Cette indication à elle seule nous transporte bien loin des limites de la Polynésie, et nous rejette évidemment jusque dans les archipels indiens, car il ne peut être question de chercher des ancêtres aux peuples qui nous occupent chez les nègres placés immédiatement à côté d’eux dans cette direction. Ainsi les deux souches polynésiennes extrêmes se proclament elles-mêmes filles des populations dont je les ai rapprochées dans la première partie de cette étude[2]. Le témoignage traditionnel des intéressés vient confirmer les déductions concordantes tirées de la linguistique aussi bien que des caractères physiques. En présence d’un pareil accord, est-il possible de nier la fraternité des races malaisiennes orientales et des Polynésiens, de se refuser à reconnaître que la migration a eu lieu de l’ouest à l’est, et que c’est l’Asie maritime qui a peuplé la Mer du Sud ?

Les traditions dont il s’agit ici vont plus loin, et permettent de désigner avec une certaine probabilité le point des archipels indiens d’où sortirent jadis les émigrans qui les premiers posèrent le pied sur le seuil de la Polynésie. Les Tongas et les Samoans désignent également cette île par le nom de Bourotou. Or la dernière syllabe de ce nom (tou) n’est, paraît-il, d’après M. Hale, qu’une sorte de particule exprimant l’idée de sainteté, si bien que Bourotou pourrait se traduire par Bouro-la-Sainte[3]. S’il en est ainsi, il ne reste

  1. À proprement parler, l’île de Pâques ou île Waïhou se trouve seule en dehors de l’espace embrassé par les itinéraires de cette carte.
  2. Revue du 1er février.
  3. Les Samoans et les Tongas regardent cette île comme étant le séjour de leurs pieux. On sait que les Polynésiens déifient leurs héros et leurs chefs. Le premier an-