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velle-Zélande sur son canot (l’Aotéa). Après des accidens de mer qui rappellent ceux qu’eut à subir l’équipage de l’Arawa, il s’y établit à demeure et fonda une colonie d’où sont sorties les tribus whanganui.

Parmi les détails relatifs à cette émigration et que la tradition a conservés, il en est de très importans en ce qu’ils nous montrent comment ont été introduites à la Nouvelle-Zélande plusieurs espèce animales et végétales. Kupé n’avait trouvé dans les îles qu’il avait découvertes que deux espèces d’oiseaux ; mais les amis de Turi « mirent dans un canot, pour qu’il pût les semer, des patates douces de l’espèce appelée té-kakau, des noyaux du fruit de l’arbre karaka, et en outre quelques rats vivans, bons à manger, renfermés dans des boîtes, et quelques perroquets gris apprivoisés. Ils ajoutèrent quelques grandes poules d’eau et plusieurs autres choses précieuses… » Voilà donc diverses plantes, un mammifère et deux oiseaux, que ces émigrans ajoutent à la flore et à la faune naturelles de la Nouvelle-Zélande. À peine débarqués, on les voit s’occuper de mettre à profit ces trésors du colon. Par suite des retards et des accidens du voyage, Turi « ne possédait plus que huit patates ; mais il les divisa en un grand nombre de fragmens qu’il déposa, séparément dans le sol, et quand les rejetons sortirent de terre, il rendit le lieu sacré par des prières et des incantations pour que personne ne s’y aventurât et ne heurtât les jeunes plantes. » Ces travaux de ferme s’accomplirent au chant d’une hymne qui constate une fois de plus l’origine commune des ouvriers et des objets de leurs soins :

« Creusons la déesse, notre mère ! — Creusons la vieille déesse ! , la terre ! — Nous parlons de vous, ô terre ! Ne troublez pas — les plantes que nous avons apportées ici d’Hawaïki la noble. »

Turi ne partait pas seul, d’autres chefs l’accompagnaient, et parmi eux Porua, commandant du Ririno, « emportait quelques chiens qui devaient être précieux dans les îles où il se rendait, car par leur multiplication ils devaient fournir un bon article de nourriture et des peaux propres à faire des vêtemens chauds. » Ce n’est pas la première fois qu’il est question du chien dans ces traditions. Il figure dans plusieurs autres se rapportant soit à Hawaïki, soit aux émigrans de cette île. Il est évident que la plupart des colons en

    du reste qu’une partie des meurtres et des violences attribués par la tradition à ces héros d’Hawaïki. Ce que j’en dis suffit, je pense, pour donner une idée de cette société sauvage où des passions sans frein règnent à côté d’une religion minutieuse dont on trouve également la preuve à chaque instant. Sous tous ces rapports, Hawaïki rappelle Tahiti, bien que les mœurs se fussent considérablement adoucies dans cette dernière île.