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ne tiennent aucun compte des besoins d’argent, qui croient qu’on peut les dominer par l’extension du papier-monnaie. Ah ! s’il n’en coûtait pas si cher à la France de tenter des innovations de cette nature, nous voudrions qu’on pût prendre au mot ces grands théoriciens de la réorganisation du système des banques et leur dire : — Allons, mettez-vous à l’œuvre, organisez votre Banque de Savoie, émettez tout le papier-monnaie que vous pourrez émettre, et si en fin de compte, comme vous le promettez, vous ne nous mettez pas à l’abri des crises, si vous ne nous donnez pas l’argent toujours à bon marché, alors vous reconnaîtrez que vos théories sont vaines, et vous cesserez de fatiguer le public de vos déclamations stériles.

En ce moment, on pousse la Banque de France à jeter dans la circulation les billets de 50 fr. qu’elle a été autorisée à émettre par la loi de 1857, qui a renouvelé son privilège, et on dit qu’elle y est enfin décidée. Si cela est, nous n’y ferons pas d’objection ; mais il faut se garder de croire qu’aujourd’hui du moins ces billets contribueront beaucoup à augmenter la monnaie fiduciaire. Le public a besoin d’argent et non de billets, et si on lui donne pour 100 millions de billets de 50 fr., il est probable qu’il les échangera contre pareille somme de billets de 1,000 fr. et de 500 fr. qui viendront au remboursement. Nous ne voyons pas alors ce qu’on y aura gagné, et comment ces billets pourraient servir à atténuer la crise. C’est en temps ordinaire seulement qu’une émission de billets de 50 fr. peut avoir son effet et enrichir la circulation ; mais cet effet est-il bien désirable ? Supposons qu’à l’aide de ce moyen, pris en temps opportun, on fût parvenu à augmenter la monnaie fiduciaire de 100 millions ; on ne pourra prétendre que, parce que nous aurions 100 millions de plus de monnaie fiduciaire, nous serions à l’abri des crises, et qu’à certains momens il ne se manifesterait pas, comme aujourd’hui, des besoins d’argent assez vifs. Supposons une de ces crises avec une monnaie fiduciaire dépassant 900 millions et un encaisse égal à celui qui existe aujourd’hui, car il ne faut pas croire que, dans les pays où les banques ne sont pas régies, comme la Banque d’Angleterre, par le fameux acte de 1844, l’encaisse métallique augmente en proportion de l’émission des billets au porteur. C’est le contraire qui arrive. En France, lorsque la monnaie fiduciaire se tenait à un chiffre d’environ 600 millions, la moyenne de l’encaisse était plus élevée qu’elle n’a été depuis que la circulation a atteint et dépassé 800 millions. Cette moyenne, de 1852 à 1862, excepté à certains intervalles de crise très courts, comme en 1857, a presque toujours été d’un encaisse métallique égal à la moitié des billets au porteur, soit de 300 ou 350 millions contre 600 ou 700 millions de billets. Depuis que la circulation semble avoir