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Sans nous inquiéter de ces derniers, on voit que l’atmosphère des régions qui nous intéressent en ce moment peut être considérée comme partagée en cinq zones distinctes. Le Cloud-ring, la zone centrale, occupe 9 degrés ; les alizés commencent vers le 30e degré ; les calmes ou les vents variables des tropiques s’étendent sur 10-12 degrés. Le tout forme une espèce de système embrassant plus de 80 degrés. Or ce système n’est pas immobile. La même cause qui produit les saisons le fait osciller du nord au sud et du sud au nord dans certaines limites. Le Cloud-ring en particulier se transporte annuellement du 5e degré de latitude sud au 15e degré de latitude nord. De ce fait seul, il résulte qu’une partie de l’Océanie doit être soumise à des alternatives à peu près régulières de vents dont un peuple navigateur ne pouvait manquer de profiter.

Cependant les alternatives dues aux causés que l’on vient d’indiquer ne sont pas les seules que subissent les mers dont nous parlons. Grâce à l’action exercée sur les continens par les saisons, et par un mécanisme analogue à celui qui dans les îles produit les brises régulières de terre et de mer, les vents alizés sont pour ainsi dire renversés annuellement, c’est-à-dire qu’ils sont remplacés par des vents qui soufflent presque en sens contraire. C’est là ce qu’on appelle les moussons. Dans l’Océan-Indien, les moussons se partagent l’année avec les alizés ; dans le Pacifique, elles sont moins régulières, mais elles s’étendent au-delà des Sandwich et de Tahiti. En d’autres termes, pendant un certain temps de l’année, les vents, bien loin de s’opposer aux voyages d’Asie en Océanie, sont précisément des plus favorables, et peuvent pousser le navigateur jusque tout près des confins de la Polynésie. Ce fait répond pleinement à ce qu’on a dit des obstacles opposés par le vent aux voyages entrepris dans cette direction.

Les courans marins apportent au moins autant de facilité au peuplement de la Polynésie par les populations asiatiques. Les eaux de l’Océan se meuvent sous l’action de causes qui se rattachent à celles qui mettent l’atmosphère en mouvement et d’une manière fort analogue. Depuis longtemps, on connaît le grand courant qui sous l’équateur et dans toutes les grandes mers coule de l’est à l’ouest. C’est à lui qu’on attribuait le pouvoir d’arrêter les simples embarcations qui voudraient se diriger des côtes ou des archipels de l’Asie vers la Polynésie ; mais on sait aujourd’hui que dans le Pacifique ce courant est double : il y a en réalité un courant équatorial boréal et un courant équatorial méridional. Entre les deux existe un contre-courant bien marqué[1] qui porte directement d’Asie en

  1. Voyez les cartes du capitaine Kérallet.