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d’une seule et même langue[1]. Cette considération doit faire rejeter comme inadmissibles les idées que d’Urville a empruntées à Forster, et qui du reste ne comptent plus guère de partisans.

Le peu de fondement des hypothèses précédentes étant une fois démontré, l’anthropologiste qui se refuse à voir dans les Polynésiens un simple produit du sol ne peut plus que les faire venir d’Asie par voie de migrations. Telle est en effet la doctrine à laquelle se sont ralliés aujourd’hui, je crois, tous les voyageurs et anthropologistes monogénistes, comme aussi quelques polygénistes qui reculent devant les conséquences de leurs principes les plus fondamentaux ; c’est celle que nous croyons fermement être l’expression de la vérité. Cependant il ne suffit pas d’être conduit à cette croyance par voie d’exclusion ; ce ne serait là qu’une présomption favorable. Il reste à en donner des preuves directes, et c’est ce que nous allons faire.


I. — possibilité des migrations de l’ouest à l’est.
— exemples isolés. — carte de tupaïa
.

Commençons par répondre à ce qu’on a dit de la prétendue impossibilité que présentent les communications par mer de l’Asie avec la Polynésie pour tout peuple manquant d’une science nautique très avancée.

Cette impossibilité ne pourrait résulter que de trois conditions : de la disposition géographique, de la direction des vents, de celle des courans. Or la première, loin de s’opposer aux migrations dont il s’agit, semble faite pour y inviter un peuple de marins. Du continent asiatique, plusieurs routes conduisent en pleine Mer du Sud. Par la presqu’île de Malacca, les îles de la Sonde et la Nouvelle-Guinée, on arrive en Mélanaisie et par suite sur les frontières de la Polynésie ; de la Chine, par Formose, les Philippines et les Palaos, on est conduit en Micronésie ; les Philippines et les Moluques amènent le navigateur sur les frontières orientales de la Malaisie. Évidemment un peuple navigateur, pourvu qu’il soit hardi et aventureux, sera conduit d’île en île dans les trois grandes divisions de l’Océanie, à moins que les vents et les courans ne lui opposent d’insurmontables obstacles. En est-il donc ainsi, comme on l’a prétendu ? Les progrès récents de la physique générale du globe nous aideront à répondre. Nous prendrons pour guides dans cette étude les recherches du commodore Maury[2], et surtout les cartes pratiques

  1. Les recherches de M. Gaussin conduisent à diminuer encore la distance apparente des idiomes polynésiens. Selon cet auteur, les différences qui les distinguent les unes des autres ne méritent même pas, pour ainsi dire, qu’on en fasse des dialectes proprement dits.
  2. Les travaux de ce célèbre marin sont aujourd’hui vivement attaqués, et avec