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est cher. Enfin l’élévation du taux de l’escompte a encore pour avantage d’attirer les capitaux étrangers qui trouvent profit à escompter notre papier, et nous aident ainsi à rétablir l’équilibre. Sans doute l’élévation du taux de l’escompte gêne les affaires, c’est une entrave apportée au mouvement industriel et commercial ; mais qu’y faire ? Quand une chose est rare, il faut bien la payer cher ; c’est la loi du commerce, et elle s’applique à l’argent comme à toute autre valeur commerciale. Il n’y a que deux moyens d’aviser : diminuer la demande ou augmenter l’offre ; on diminue la demande par l’élévation du prix de la marchandise, et on augmente l’offre par une plus grande quantité de cette marchandise. Peut-on augmenter l’offre à volonté lorsqu’il s’agit de numéraire ? Il y a des gens qui le prétendent.


I

Au commencement du XVIIIe siècle, en 1720, un homme dont nous ne méconnaissons pas la portée intellectuelle, mais qui, dans sa manière de comprendre le crédit, s’était laissé aller aux exagérations les plus funestes, Law, écrivait : « La valeur des choses varie par deux causes distinctes, la plus ou moins grande abondance des produits et la plus ou moins grande abondance de la monnaie. De ces deux choses, l’une échappe à l’action de l’homme, tandis que l’autre peut être soumise à son empire. Il ne dépend pas de l’homme que la quantité du blé, du vin, etc., se maintienne toujours en équilibre avec les besoins ; mais il dépend de lui que la somme de la monnaie demeure toujours dans un juste rapprochement avec la demande, pourvu que cette monnaie n’ait pas de valeur intrinsèque, qu’elle ne consiste point dans l’or et dans l’argent. » On sait quelle a été la conséquence de ce système et à quelle catastrophe il est venu aboutir. Eh bien ! en 1863, après cette expérience et tant d’autres, l’auteur anonyme de la Réorganissation du système des banques ose écrire encore ce qui suit : « S’il est vrai que l’or et l’argent sont une marchandise et que leur prix résulte des quantités offertes et demandées, il n’est pas moins vrai que l’on puisse modifier ces quantités offertes dans un sens favorable aux besoins du commerce. » En d’autres termes, c’est dire que l’on peut suppléer par du papier à l’or et à l’argent qui manquent.

On le voit, c’est toujours le même système, il s’agit toujours de créer un capital supplémentaire par des billets de banque. Sans aller chercher des exemples dans le passé, nous en avons en ce moment sous les yeux de très significatifs ; la Russie, par suite de