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lois, de déclarer la guerre, de lever des impôts, de convoquer les états, et de nommer aux charges sans le concours du sénat, leurs majestés sont convenues que l’une ou l’autre circonstance sera considérée comme le casus fœderis, et sa majesté le roi de Prusse s’engage dans les deux cas, et lorsqu’elle en sera requise par sa majesté l’impératrice, à faire une diversion dans la Poméranie suédoise, en faisant entrer un corps convenable de ses troupes dans ce duché. »


Tel est en résumé l’article secret de 1769, qui se réfère d’ailleurs à celui de 1764. Ce peu de lignes suscite beaucoup d’explications : Catherine II a paru au premier plan jusqu’ici dans la détestable intrigue qui se tramait contre la Suède ; mais il nous sera facile de montrer que Frédéric II, pour avoir laissé à d’autres la principale initiative après avoir peut-être donné la première inspiration, ne s’en est pas moins avancé dans la même voie avec une politique froidement calculée, qui ne manquait pas non plus d’une énergie impitoyable. La correspondance du comte de Solms, son ministre à Pétersbourg, contient la version que l’impératrice avait elle-même proposée avec insistance pour l’article secret de 1769, mais à laquelle Frédéric II s’est bien gardé de consentir ; il n’a pas accepté ces mots :


« Sa majesté le roi de Prusse promet non-seulement, de la manière la plus solennelle, de remplir en entier tous les points de ses engagemens dans le corps du traité et tous les articles séparés et secrets de l’alliance signée aujourd’hui relativement aux affaires de Suède, mais encore il s’engage à faire cause commune dans toutes les mesures que sa majesté impériale, conjointement avec sa majesté le roi de Danemark, voudra prendre pour prévenir une révolution suédoise en faveur de la souveraineté,… et sa majesté donnera dès à présent les ordres à son ministre à la cour de Suède de se conduire et d’agir conformément à cet engagement spécial, en se concertant en tout avec les ministres de l’impératrice de toutes les Russies et avec ceux des autres cours du même système… »


Ces expressions, proposées par Catherine, paraissaient enchaîner et subordonner l’action de Frédéric au moment même où il croyait pouvoir, avec de l’audace, mettre la main sur quelque province nouvelle. Le cabinet de Saint-Pétersbourg ne se dissimulait pas quelle violence serait l’invasion de la Poméranie suédoise contre le traité de Westphalie ou les constitutions germaniques ; il redoutait l’effet d’une telle hardiesse, dont il ne devait pas d’ailleurs profiter directement, et il avait voulu que Frédéric II prît seulement d’abord ce pays en séquestre, sauf à s’y établir ensuite, après avoir prévenu par une modération habile ce qu’on appelait « les objections de toute l’Europe-, » mais Frédéric ne fut pas de cet avis, et refusa d’apposer sa signature à des termes limitant d’une manière quelconque